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Septembre
2001 |
Dictionnaire
Permanent Social - Bulletin 714 - 2e quinzaine - septembre 2001
Épargne
salariale
Les
décrets d'application de la loi sur l'épargne salariale sont
publiés
Sont
ainsi apportées les précisions nécessaires à la mise en place
des nouveaux outils d'épargne salariale (PPESV, PEI) et à
l'amélioration des mécanismes existants (intéressement,
participation, PEE, actionnariat des salariés)
D.
n° 2001-703, 31 juill. 2001 : JO, 3 août ;
D. n° 2001-704, 31 juill. 2001 : JO, 3 août.
Deux
décrets d'application de la loi no2001-152 du 19 février 2001
portant réforme de l'épargne salariale ont été publiés au
Journal officiel (pour un commentaire de la loi, v. notre Bulletin
705).
Le
premier décret précise les règles de gestion des nouveaux
outils d'épargne salariale que sont le plan d'épargne
interentreprises (PEI), destiné à développer l'épargne dans
les PME, et le plan partenarial d'épargne salariale volontaire (PPESV)
permettant au salarié de se constituer une épargne pour des
projets à long terme ou un complément de retraite. Il apporte
également un certain nombre d'aménagements aux dispositifs
existants pour en améliorer le fonctionnement, conformément aux
prévisions du législateur, notamment en renforçant
l'information donnée au salarié quittant son entreprise, en
organisant le transfert des sommes épargnées ou encore en
actualisant les cas de déblocage anticipé de l'épargne. Sont
présentées ci-après les modifications apportées par ce texte
au Code du travail.
Le
second décret met en conformité des dispositions du décret du 6
septembre 1989 relatif aux organismes de placement collectif en
valeurs mobilières (OPCVM) et portant création des fonds communs
de créances avec les dispositions de la loi du 19 février 2001.
Son contenu, très technique, ne sera pas développé dans le
cadre du présent article.
La
publication d'une importante circulaire interministérielle,
reprenant et commentant l'intégralité des textes publiés sur
l'épargne salariale, est attendue; le texte de cette instruction
sera reproduit intégralement dans un prochain Bulletin.
I.
Dispositions communes aux différents dispositifs d'épargne
salariale
A.
Aménagement des formalités de dépôt des accords et des plans
d'épargne (C. trav., art. A.444-1-1)
Les
règlements des accords d'intéressement, de participation et,
désormais, des PEE doivent être déposés à la DDTEFP du lieu
où ils ont été établis. Cette obligation conditionne le droit
aux exonérations sociales et fiscales attachées à ces
dispositifs.
Le
décret du 31 juillet 2001 complète la liste des documents à
déposer, pour tenir compte des particularités de mise en oeuvre
des différents dispositifs d'épargne salariale.
Ainsi,
lorsqu'un plan d'épargne d'entreprise est mis en place par
décision unilatérale de l'employeur, ce dernier a l'obligation
de consulter les représentants du personnel sur le projet de
règlement du plan quinze jours avant son dépôt. Le
procès-verbal de consultation du comité d'entreprise ou, à
défaut, des délégués du personnel devra être déposé avec le
règlement du plan.
Par
ailleurs, la teneur de l'accord déposé par l'entreprise, mettant
en place un dispositif de participation ou d'intéressement des
salariés en application d'un accord de branche, diffère selon
les options offertes dans l'accord de branche.
Si
l'accord de branche ouvre des choix aux parties signataires au
niveau de l'entreprise, l'accord déposé par l'entreprise peut ne
contenir que les clauses résultant de ces choix.
Si
l'accord n'ouvre pas de possibilité de choix ou ouvre un choix
qui n'a pas été exercé, l'entreprise notifie purement et
simplement à la DDTEFP son adhésion à l'accord de branche.
Enfin,
lorsque l'entreprise, dans un accord d'intéressement, prend en
compte pour le calcul des sommes servies aux salariés les
résultats des filiales de l'entreprise, comme l'y autorise la loi
du 19 février 2001, le texte de l'accord déposé doit
s'accompagner de la liste des de ces entreprises dont le siège
social est situé en France. Il doit être fait mention, pour
chaque filiale concernée, de l'adresse du siège social, des
effectifs, ainsi que des dates de conclusion, d'effet et de
dépôt de l'accord d'intéressement en vigueur dans l'entreprise.
Pour
les filiales non couvertes par un accord, selon qu'elle détient
ou non directement ou indirectement la majorité des droits de
vote, l'entreprise doit adresser à la DDTEFP, dans le délai de
quatre mois à compter de la conclusion de l'accord
d'intéressement, une copie des convocations des parties à
négocier ou une copie de sa demande aux présidents ou gérants
desdites entreprises d'engager une telle négociation.
Il
semble qu'aux termes de la loi du 19 février 2001, le non-respect
de cet engagement soit sanctionné par la perte du droit à
exonérations sociales ou fiscales, sans pour autant que soit
remise en cause la validité de la formule de calcul de
l'intéressement. Le décret du 31 juillet 2001 n'apporte aucune
précision sur ce point.
B.
Précisions sur le contenu du livret d'épargne salariale (C.
trav., art. A. 443-1-3)
La
loi du 19 janvier 2001 impose à l'entreprise de délivrer à tout
salarié quittant l'entreprise un état récapitulatif des sommes
et valeurs mobilières épargnées ou transférées au sein de
l'entreprise dans le cadre de la participation, de
l'intéressement ou d'un plan d'épargne.
Aux
termes du décret du 31 juillet 2001, cet état récapitulatif
doit porter les mentions suivantes :
-
l'identification du bénéficiaire ;
- la description de ses avoirs acquis ou transférés par accord
de participation et plans d'épargne dans lesquels il a
effectué des versements, avec mention de leurs dates de
disponibilité ;
- l'identité et l'adresse des teneurs de registre administratif
retraçant les sommes affectées aux plans d'épargne auprès
duquel le bénéficiaire a un compte.
Les
états récapitulatifs sont insérés dans un livret d'épargne
salariale. Ce livret est remis au salarié, lors de son départ de
l'entreprise, lorsqu'il reçoit pour la première fois l'état
récapitulatif de l'ensemble des sommes épargnées ou
transférées au sein de l' entreprise.
Le
décret du 31 juillet 2001 précise que ce livret est établi sur
tout support durable et comporte, outre les états récapitulatifs
:
-
un rappel des dispositions légales relatives au transfert des
sommes épargnées (C. trav., art. L. 443-2), au devenir des
sommes épargnées lorsque le bénéficiaire ne peut être joint
à la dernière adresse connue (C. trav., art. R. 442-16) et aux
cas de déblocage anticipé de la participation et des plans
d'épargne salariale (C. trav., art. R.442-17, R.443-12 et R.
443-13) ;
-
une attestation indiquant le montant des droits liés à la
réserve spéciale de participation et la date de répartition
des droits éventuels au titre de l'exercice en cours.
C.
Modalités pratiques de transfert des sommes épargnées dans un
plan d'épargne (C. trav., art. A.444-1-4)
La
loi du 19 janvier 2001 permet au salarié, ayant rompu son contrat
de travail et changeant d'entreprise, de transférer les sommes
détenues dans le cadre d'un plan d'épargne ou au titre de la
participation, dont il n'a pas demandé la délivrance au moment
de son départ, vers le plan d'épargne dont il bénéficie chez
son nouvel employeur, en assurant la neutralité de l'opération:
les sommes transférées ne donnent pas lieu à prélèvements
sociaux et ne sont pas prises en compte pour l'appréciation du
plafond des versements annuels du salarié sur un PEE (égal au
quart de sa rémunération annuelle).
Ces
dispositions concernent également le transfert de sommes
détenues par le salarié dans le cadre d'un plan d'épargne
interentreprises vers un plan d'épargne d'entreprise conclu dans
son entreprise.
Aux
termes du décret du 31 juillet 2001, le transfert s'opère de la
façon suivante.
Lorsque
le transfert est effectué vers un plan dont le salarié
bénéficie au sein de la nouvelle entreprise qui l'emploie, le
salarié précise à l'entreprise, dans sa demande de transfert,
l'affectation de son épargne au sein du plan ou des plans qu'il a
choisis. Lorsque le transfert est effectué vers un plan dont le
salarié bénéficie au titre d'un nouvel emploi, il communique à
l'entreprise qu'il a quittée les noms et adresses de son nouvel
employeur et de l'établissement qui tient le registre des sommes
affectées aux plans d'épargne; ces derniers doivent également
être informés par ses soins du transfert et de l'affectation de
son épargne.
A
réception de la demande, l'entreprise procède elle-même à la
liquidation des sommes bloquées et demande à l'établissement
chargé de la tenue du registre des sommes affectées aux plans
d'épargne la liquidation des actions ou parts détenues au sein
des plans d'épargne. Ensuite, elle assure le transfert des sommes
correspondantes vers le plan concerné, en indiquant les périodes
d'indisponibilité courues; en effet, ces périodes sont prises en
compte dans l'appréciation du délai de blocage de l'épargne.
Il.
Dispositions spécifiques aux plans d'épargne salariale
A.
Définition des formules de placement offertes aux salariés (C.
trav., art. A. 443-2)
Les
règlements des plans d'épargne doivent comporter en annexe les
critères de choix et la liste des instruments de placements ainsi
que les notices des SICA V et des FCP offerts aux adhérents.
L'identité du ou des FCP est précisée au plus tard six mois
après le dépôt du plan à la DDTEFP.
Lorsqu'un
plan offre plusieurs formules de placement, le règlement précise
les modalités selon lesquelles l'adhérent peut modifier
l'affectation de son épargne entre ces différentes formules.
Toutefois, le règlement peut prévoir des restrictions à la
possibilité offerte à l'adhérent de modifier son choix de
placement initial et les modifications pouvant intervenir à
l'occasion du départ du salarié de l'entreprise.
Les
signataires de l'accord peuvent modifier l'affectation de
l'épargne des salariés investie dans les organismes de placement
collectif en valeurs mobilières lorsque les caractéristiques des
nouveaux organismes sont identiques à celles des organismes
antérieurs.
B.
Mentions spécifiques du règlement d'un PEI dispensant
l'entreprise de la conclusion d'un accord de participation (C.
trav., art. A. 443-1-1)
Le
règlement d'un plan d'épargne interentreprises (PEI) peut
prévoir de recueillir les sommes issues de la participation des
salariés. L'accord instituant le PEI dispense les entreprises de
moins de cinquante salariés qui souhaitent la mise en place d'un
tel dispositif de conclure un accord de participation.
Dans
ce cas, le décret du 3} juillet 2001 indique expressément que
l'accord doit contenir la formule de calcul de la réserve de
participation, et si cette formule est dérogatoire à la formule
légale, l'accord doit mentionner la clause d'équivalence des
avantages et l'un des quatre plafonds applicables (moitié du
bénéfice net comptable, ou bénéfice net comptable diminué de
5 % des capitaux propres, ou bénéfice net fiscal diminué de 5%
des capitaux propres, ou encore moitié du bénéfice fiscal).
Le
règlement d'un plan d'épargne interentreprises doit préciser
les modalités de la contribution des entreprises, qui ne peut
être inférieure à la prise en charge des frais de tenue de
compte.
C.
Possibilité pour l'employeur de reporter le versement de son
abondement (C. trav., art. A. 443-4)
L'affectation
au plan des sommes complémentaires que l'entreprise s'est
engagée à verser intervient, en principe, concomitamment aux
versements de l'adhérent; le décret du 3} juillet 2001 prévoit
que ces versements complémentaires peuvent être reportés au
plus tard à la fin de chaque exercice, sauf pour les salariés
quittant l'entreprise.
D.
Tenue obligatoire par l'entreprise d'un registre des sommes
affectées au plan d'épargne (C. trav., art. A.443-5)
L'entreprise
doit tenir un registre des comptes administratifs ouverts au nom
de chaque adhérent retraçant les sommes affectées aux plans
d'épargne; ce registre comporte pour chaque adhérent la
ventilation des investissements réalisés et les délais
d'indisponibilité restant à courir.
La
tenue de ce registre peut être déléguée: dans ce cas, le
contrat de délégation doit préciser les modalités
d'information du délégataire. Les coordonnées du teneur de
registre sont mentionnées dans le règlement des plans.
L'accord
instituant un plan d'épargne interentreprises (PEI) désigne les
sociétés ou établissements qui sont chargés de la tenue du
registre administratif. La personne chargée de la tenue de ce
registre établit un relevé des actions ou des parts appartenant
à chaque adhérent.
Une
copie de ce relevé est adressée au moins une fois par an aux
intéressés, avec l'indication de l'état des comptes.
E. Exceptions à l'impossibilité d'alimenter son plan d'épargne
pour le salarié quittant son entreprise (C. trav., art. A.443-8)
L'ancien
salarié de l'entreprise, qui l'a quittée pour un motif autre
qu'un départ en retraite ou en préretraite, ne peut effectuer de
nouveaux versements aux plans d'épargne salariale.
Toutefois,
lorsque le versement de l'intéressement au titre de la dernière
période d'activité du salarié intervient après son départ de
l'entreprise, il peut affecter ces sommes au plan d'épargne de
l'entreprise qu'il vient de quitter. Ce versement peut faire
l'objet d'un versement complémentaire de la part de l'employeur
si le règlement du plan le prévoit.
F.
Énumération des cas de déblocage anticipé des sommes
épargnées dans un PPESV (C. trav., art. A.443-12)
La
durée minimale d'un plan partenarial d'épargne salariale
volontaire (PPESV) est de dix ans (à compter du premier versement
pour le PPESV à terme fixe, ou à compter du versement de chaque
somme, pour le PPESV à terme glissant). Le décret du 31 juillet
2001 envisage sept cas dans lesquels les sommes ou valeurs
détenues sur le PPESV peuvent être débloquées avant
l'expiration du délai susvisé.
Ainsi,
les sommes épargnées dans un PPESV peuvent être liquidées par
anticipation, à la demande du titulaire du plan ou des ses ayants
droit, en cas de :
-
décès du bénéficiaire, de son conjoint, ou de la personne
qui lui est liée par un pacs ;
- départ à la retraite ou licenciement ;
- expiration des droits à l'assurance chômage du titulaire ;
- invalidité du bénéficiaire, de ses enfants, de son conjoint
ou de la personne liée par un pacs ;
- surendettement du salarié ;
- création ou reprise par le bénéficiaire, par son conjoint
ou par ses enfants d'une entreprise;
- agrandissement, achat ou remise en état, à la suite de
dommages causés par des catastrophes naturelles, de la
résidence principale.
Le
PPESV étant un produit d'épargne à long terme, les
possibilités offertes au salarié de débloquer par anticipation
son épargne sont plus restreintes que celles prévues pour les
sommes versées au tire de la participation sur un PEE.
N'ont
pas ainsi été retenus comme cas de déblocage anticipé des
droits acquis dans un PPSEV : la démission ou la rupture amiable
du contrat de travail, le mariage ou le pacs, la naissance ou
l'adoption, le divorce ou la dissolution du pacs.
La
demande doit être présentée dans les six mois en cas de
création d'entreprise, d'achat de la résidence principale ou des
dommages liés à une catastrophe naturelle; dans les autres cas,
la demande peut être faite à tout moment.
La
levée de l'indisponibilité se fait sous la forme d'un versement
unique qui porte, au choix de l'adhérent, sur tout ou partie de
ses droits.
III.
Dispositions spécifiques à l'intéressement
A.
Formalités liées à la modification ou à la dénonciation de
l'accord d'intéressement (C. trav., art. R. 441-1)
L'accord
d'intéressement doit être modifié ou dénoncé dans les mêmes
formes et les mêmes délais que sa conclusion, c'est-à-dire avec
l'accord de toutes les parties signataires, sauf lorsque la
modification de l'accord répond à la nécessité de mettre en
conformité les clauses que la DDTEFP a considérée comme
contraires aux dispositions légales ou réglementaires.
Aux
termes du décret du 31 juillet 2001 :
-
l'avenant portant modification de l'accord doit être déposé
à la DDTEFP selon les mêmes formalités et les mêmes délais
que l'accord lui-même, soit dans les quinze jours de sa
conclusion ;
-
la dénonciation de l'accord d'intéressement, pour être
applicable à l'exercice en cours, doit respecter les mêmes
conditions et de délais et de dépôt que l'accord lui-même.
En d'autres termes, l'accord portant dénonciation de l'accord
d'intéressement doit être conclu avant le premier jour du
septième mois de l'exercice et être déposé dans les quinze
jours de sa conclusion.
B.
Critères de répartition entre salariés de l'intéressement (C.
trav, art., R. 441-2)
Selon
l'article L. 441-2 du Code du travail, la répartition entre les
salariés de l'intéressement peut être uniforme, proportionnelle
aux salaires ou à la durée de présence dans l'entreprise au
cours de l'exercice, ou retenir conjointement ces différents
critères. Sont assimilées à des périodes de présence les
absences consécutives à un accident du travail, à une maladie
professionnelle, à un congé maternité ou à un congé
d'adoption.
Le
décret du 31 juillet 2001 prévoit expressément qu'en cas de
répartition proportionnelle aux salaires, les salaires à prendre
en compte au titre des périodes d'absences sus-visées sont ceux
qu'aurait perçus le bénéficiaire s'il avait été présent.
C.
Renforcement de l'information du salarié sur les primes
distribuées au titre de l'intéressement (C. trav., art. R.441-2)
L'accord
d'intéressement doit faire l'objet de la remise à chaque
salarié bénéficiaire de l'accord d'une note d'information
mentionnant notamment le devenir des sommes qui n'ont pu être
remises au salarié faute de pouvoir être joint à la dernière
adresse indiquée.
La
fiche remise au salarié lors de l'attribution des sommes,
distincte du bulletin de paie, ayant pour objet de l'informer de
la répartition de l'intéressement est actualisée. Doivent y
figurer: le montant global de l'intéressement, le montant moyen
perçu par les bénéficiaires, celui des droits attribués aux
salarié ainsi que les retenues opérées au titre des CSG et CRDS.
y est annexée une note rappelant les règles de calcul et de
répartition prévues par l'accord.
Ces
documents (note d'information et fiche individuelle) doivent être
adressés aux salariés susceptibles de bénéficier de
l'intéressement qui ont quitté l'entreprise avant que
l'intéressement ne se mette en place, ou avant que le calcul de
l'intéressement n'ait été effectué.
IV.
Dispositions spécifiques à la participation
A.
Modification de la formule de calcul de la réserve de
participation (C. trav., art. R. 442-2)
Les
salaires à retenir pour le calcul de la réserve spéciale sont
ceux prévus pour le calcul des cotisations de Sécurité sociale,
et non plus ceux pris en compte pour la taxe sur les salaires. La
référence à l'assiette des cotisations de Sécurité sociale
n'a toutefois pas de conséquences sur la formule légale de
calcul de la réserve, les deux assiettes étant désormais
uniformisées.
B.
Relèvement du montant maximal des droits attribués, par
exercice, au salarié (C. trav., art. R. 442-6)
Le
montant maximal des droits susceptibles d'être attribués à un
même salarié ne peut, pour un même exercice, excéder une somme
égale aux trois quarts du plafond annuel de la Sécurité sociale
(et non plus égale à la moitié dudit plafond).
C.
Précisions sur les modalités selon lesquelles le salarié peut
changer la formule de placement de son épargne (C. trav., art. R.
442-12)
Lorsque
l'accord de participation offre plusieurs formules de placement,
il précise les modalités selon lesquelles le salarié peut
modifier l'affectation de son épargne. L'accord peut prévoir des
cas où une modification du choix est restreinte et préciser les
modifications d'affectation pouvant intervenir à l'occasion du
départ du salarié de l'entreprise.
Par
ailleurs, les signataires de l'accord peuvent modifier
l'affectation de l'épargne des salariés investie dans des
organismes de placement collectif en valeurs mobilières, lorsque
les caractéristiques des nouveaux organismes sont identiques à
celles des organismes précédents.
D.
Information accrue du salarié sur le montant de sa participation
(C. trav., art. R. 442-15)
L'information
du salarié sur les sommes et valeurs qu'il détient au titre de
la participation doit intervenir dans les six mois de la clôture
de chaque exercice.
Lorsque
le salarié quitte l'entreprise sans faire valoir ses droits à
déblocage ou avant que l'entreprise n'a été en mesure de
liquider à la date de son départ la totalité des droits dont il
est titulaire, l'employeur doit :
-
lui remettre l'état récapitulatif de ses droits ;
-
lui demander l'adresse à laquelle devront lui être envoyés
les avis de mise en paiement des dividendes et d'échéance des
intérêts, des titres remboursables et des avoirs devenus
disponibles, et le cas échéant le compte sur lequel les sommes
correspondantes devront lui être versées.
E.
Précisions sur les modalités de déblocage anticipé de la
participation (C. trav., art. R.442-17)
Les
sommes acquises par le salarié au titre de la participation sont
indisponibles pendant un délai de cinq ans.
Les
neuf cas permettant la liquidation anticipée de ces sommes sont
actualisés et prennent désormais en compte l'instauration du
pacs, l'invalidité des enfants, la création, la reprise d'une
entreprise par les enfants du salarié ou l'acquisition de parts
sociales d'une société coopérative de production, ainsi que la
remise en état de la résidence principale à la suite d'une
catastrophe naturelle.
En
outre, des précisions complémentaires sur les modalités
pratiques de ce déblocage anticipé sont apportées :
-
le salarié doit désormais présenter sa demande de déblocage
anticipé de ses droits dans les six mois à compter du fait
générateur, en cas de mariage ou conclusion d'un pacs, de
naissance ou d'adoption, de divorce, séparation ou dissolution
d'un pacs, de reprise d'une entreprise ou d'agrandissement,
d'achat, de remise en état de sa résidence principale. Dans
les autres cas (cessation du contrat de travail, décès,
invalidité, et surendettement du salarié), aucun délai n'est
fixé: la demande peut être faite à tout moment ;
-
la levée de l'indisponibilité intervient sous forme d'un
versement unique qui porte, au choix du salarié, sur tout ou
partie des droits susceptibles d'être débloqués.
Le
décret sus-visé prévoit expressément que le jugement arrêtant
le plan de cession totale de l'entreprise ou le jugement ouvrant
ou prononçant la liquidation judiciaire de l'entreprise rend
immédiatement exigibles les droits à participation non échus. |
Juillet
2001 |
Rémunération
contractuelle
Cass. soc., 3
juillet 2001, n° 99-40.641 FS-P + B, Pierre c/Sarl Transports
Sicot et a.
Vu l'article
1134 du Code civil et les articles L. 122-4 et L. 122-14-3 du Code
du travail; Attendu que M. Pierre a été embauché comme
chauffeur routier par contrat verbal le 28 juin 1988 ; que, par
lettre du 25 janvier 1997, il a mis fin à la relation
contractuelle en soutenant que l'inexécution par l'employeur de
ses obligations entraînait un licenciement; qu'il a saisi le
conseil de prud'hommes pour obtenir le paiement de diverses sommes
;
Attendu que pour
dire que la rupture du contrat de travail ne s'analysait pas en un
licenciement et débouter le salarié de ses demandes en paiement
d'un rappel de salaire et de congés payés afférents, d'une
indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour
licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel,
après avoir relevé que le salarié, rémunéré jusqu'en
septembre 1995 sur la base de 169 heures de travail par mois au
taux horaire de 50, 769 R avait été payé ensuite en fonction du
nombre d'heures réellement effectuées, au taux horaire de 38,20
R en application de l'accord du 23 novembre 1994, retient que si
le taux horaire pratiqué à compter du 1er octobre 1995 a
effectivement baissé de manière sensible du fait de la prise en
compte dans le bulletin de salaire de la totalité des heures
effectuées par le salarié et de la rémunération des heures
supplémentaires qui n'a pas quantitativement augmenté à partir
de cette date, la "restructuration" des bulletins de
paie n'a toutefois eu aucune incidence sur le montant de sa
rémunération ;
Attendu
cependant que le taux horaire du salaire prévu par le contrat de
travail ne pouvait être modifié unilatéralement par
l'employeur;
Qu'en statuant
comme elle l'a fait, alors que l'accord collectif du 23 novembre
1994, s'il prévoyait une prise en compte de toutes les heures de
travail effectuées et une garantie du maintien du salaire, ne
permettait pas à l'employeur de diminuer le salaire horaire
contractuel, la cour d'appel a violé les textes susvisés. |
Juillet
2001 |
Rémunération
contractuelle
Cass. soc., 3
juillet 2001, n° 99-42.761 FS-P, Aviceau c/SA Trouvay et Cauvin
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu, selon
l'arrêt attaqué, que Mme Adjal a été engagée le 5 juillet
1976 par la société Trouvay et Cauvin en qualité d'employée de
machines de bureau, coefficient 155 de la convention collective
des industries métallurgiques; que sa rémunération était
déterminée selon deux paramètres, d'une part le coefficient
hiérarchique conventionnel, d'autre part un coefficient
individuel correspondant à la valeur professionnelle du salarié;
que faisant valoir que lors de son passage du coefficient 155 au
coefficient 170, son salaire n'avait pas progressé pour autant,
l'employeur ayant diminué son coefficient individuel, Mme Adjal a
saisi la juridiction prud'homale; Attendu que pour débouter la
salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire et de
congés payés y afférents, la cour d'appel énonce que
l'intéressée a toujours perçu un salaire au moins équivalent
au smic et au minimum prévu par la convention collective; que
l'absence d'augmentation de salaire consécutive au refus
d'augmentation du coefficient individuel relevait du pouvoir de
direction de l'employeur; qu'il ressort des pièces produites que
les mesures salariales étaient fondées sur la seule
appréciation des qualités professionnelles et qu'elles ne
dissimulaient aucune sanction pécuniaire illicite; que
l'intéressée ne peut soutenir n'avoir pas eu connaissance de son
coefficient individuel puisqu'il lui suffisait d'en demander la
communication à son employeur; qu'aucune fraude de ce dernier
n'est démontrée;
Mais attendu que le
mode de rémunération contractuelle d'un salarié constitue un
élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans
son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau
mode de rémunération serait plus avantageux que l'ancien; qu'une
clause du contrat de travail ne peut valablement permettre à
l'employeur de modifier unilatéralement la rémunération
contractuelle du salarié ;
Et attendu que la
cour d'appel, qui a constaté que la rémunération d'un salarié
malgré l'élévation de son coefficient hiérarchique n'avait pas
augmenté au motif que son coefficient
"d'individualisation", déterminé en fonction de sa
valeur professionnelle et de la qualité du travail fourni, avait
été abaissé corrélativement par une décision unilatérale de
l'employeur, n'a pas tiré les conséquences légales de ses
constatations, d'où il résultait une modification du contrat de
travail de l'intéressée, et a violé le texte susvisé. |
Mai
2001 |
Comités
d'établissement et comité central d'entreprise L
Subvention de
fonctionnement : répartition
Cass. soc., 15 mai 2001, n° 99-10.127 FS- P + B, SA
Rhodia c/CCE Rhône-Poulenc Chimie de base et a.
Attendu, selon
l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 novembre 1998) que la société
Rhône-Poulenc, aux droits de laquelle se trouve la société
Rhodia, versait une subvention de fonctionnement au comité
central d'entreprise, qui, après avoir opéré un prélèvement
pour assurer ses besoins, la répartissait ensuite entre les
différents comités d'établissement; que le comité
d'établissement de Pont-de-Claix, soutenant qu'il n'avait pas
été rempli de ses droits, a réclamé le versement direct de la
subvention lui revenant, depuis 1982;
Sur le premier
moyen:
Attendu qu'il
est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement
entrepris ayant condamné la société à payer la somme de
1303502 F au comité d'établissement de Pont-de-Claix et donné
acte au comité d'établissement de Saint-Fons de ce qu'il se
réservait la possibilité de lui demander le versement d'un
complément de subvention; alors, selon le moyen:
1° que
l'article L. 434-8 du Code du travail ne prévoit le versement
d'une subvention de fonctionnement par l'employeur qu'au profit du
seul comité d'entreprise ; qu'en décidant que le comité
d'établissement de Pont-de-Claix avait droit à un complément de
subvention de fonctionnement et en condamnant la société à lui
verser ce complément, la cour d'appel a violé le texte susvisé;
2° qu'en
répartissant, dans la pratique, les subventions entre les
comités d'établissements, l'employeur n'agit que comme
mandataire du comité central d'entreprise; qu'aux termes de
l'article 1998 du Code civil, le mandant est tenu d'exécuter les
engagements contractés par le mandataire, conformément au
pouvoir qui lui a été donné mais n'a aucun pouvoir propre;
qu'en condamnant la société Rhône-Poulenc à payer un
complément de subvention de fonctionnement alors que la société
n'était que mandataire du comité central d'entreprise, la
juridiction du fond a violé l'article 1998 du Code civil;
Mais attendu,
d'abord, que le comité d'établissement est doté de la
personnalité juridique comme le comité d'entreprise et qu'en
application de l'article L. 435-2 du Code du travail sa
composition et son fonctionnement sont calqués sur ceux du
comité d'entreprise; qu'il en résulte qu'il doit bénéficier
d'une subvention de fonctionnement; Attendu, ensuite qu'il ne
résulte d'aucun texte que le comité central d'entreprise a
qualité pour répartir la subvention de fonctionnement entre les
comités d'établissement et que, dès lors, la société
Rhône-Poulenc qui doit verser le montant de la subvention à
chaque comité d'établissement rie peut se prévaloir d'un mandat
du comité central; que le moyen n'est pas fondé;
Sur le deuxième
moyen:
Attendu qu'il
est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement
entrepris ayant condamné la société exposante à payer la somme
de 1303502 F au comité d'établissement de Pont-de-Claix, donné
acte au comité d'établissement de Saint-Fons de ce qu'il se
réservait la possibilité de demander à l'exposante le versement
d'un complément de subvention; alors, selon le moyen:
1° que la
subvention de fonctionnement de 0,2% de l'article L. 434-8 du Code
du travail est distincte de celle liée aux activités sociales et
culturelles prévues à l'article L. 432-9 du Code du travail; que
la cour saisie d'un litige relatif à la subvention de
fonctionnement de 0,2% ne pouvait, pour condamner la société, se
fonder sur les articles L. 435-2 et L. 435-3 du Code du travail
relatifs à la gestion des activités sociales et culturelles de
l'entreprise; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé
les articles L. 434-8, L. 432-9, L. 435-2, L. 435-3, ensemble
l'article R. 432-11 du Code du travail;
2° que l'objet
du litige est déterminé par les prétentions respectives des
parties; qu'en l'espèce le comité d'établissement de
Pont-de-Claix sollicitait la condamnation de l'employeur à lui
verser un complément de subvention de fonctionnement; qu'en se
fondant sur les principes régissant la subvention versée en
raison des œuvres sociales et culturelles du comité
d'entreprise, la cour d'appel a méconnu les termes du litige qui
lui était soumis et partant violé l'article 4 du nouveau Code de
procédure civile ;
3° qu'aux
termes du paragraphe 2-2 de la circulaire du 6 mai 1983 pris en
son 2" alinéa, pour déterminer la répartition de la
subvention, une négociation doit s'engager entre le comité
central d'entreprise et les comités d'établissements afin
d'apprécier les besoins respectifs, seule manière de fixer les
règles adoptées à l'entreprise considérée; qu'en décidant
qu'à défaut d'accord unanime sur la répartition entre les
comités d'entreprise et le comité central d'entreprise il
appartenait au juge judiciaire de fixer une clef de répartition,
la cour d'appel a dénaturé la circulaire susvisée et a commis
un excès de pouvoir au regard de l'article L. 434-8 du Code du
travail;
Mais attendu, en
premier lieu, que c'est à bon droit que la cour d'appel a
décidé qu'en principe la subvention de fonctionnement était due
aux comités d'établissement ; Attendu, en deuxième lieu, que le
comité central d'entreprise, ayant lui-même des frais de
fonctionnement, et la loi ne lui accordant pas un droit propre, il
est légitime que les comités d'établissement lui rétrocèdent
une partie de leur subvention de fonctionnement ;
Attendu enfin
que les comités d'établissement n'ayant pu trouver un accord
avec le comité central d'entreprise sur le montant de cette
rétrocession, il appartenait au juge judiciaire d'arbitrer le
différend en en fixant lui-même le montant de la rétrocession. |
Février
2001 |
Cass.
soc., 14 févr. 2001, n° 98-46.149, arrêt 684 FS-P+B
Un syndicat peut ester en
justice pour faire appliquer un accord qu'il n'a pas signé
Par une exacte interprétation
de l'article L. 135-4 du Code du travail, la Cour de cassation a
jugé qu'un syndicat non signataire d'un accord peut se joindre à
l'action de salariés qui en réclament l'application. |
CHRONIQUES
Août
2001 |
L'incidence
d'une modification de la durée et de l'aménagement du temps de
travail sur le contrat de travail
Par
Dominique Asquinazi- Bailleux
Depuis que la
Cour de cassation a récusé la distinction entre modifications
substantielles et modifications non substantielles du contrat de
travail pour adopter la distinction modification du contrat et
changement des conditions de travail elle s'emploie à
délimiter ce qui relève de la sphère contractuelle. Les
auteurs s'accordent à retenir quatre éléments
caractéristiques du " socle contractuel " : le
salaire, la prestation de travail mais également, à un moindre
degré, le lieu et la durée du travail. Tant que l'importance
de la modification, appréciée subjectivement, constituait le
critère de la distinction, il n'y avait pas lieu de
s'interroger sur la contractualisation de tel ou tel élément.
A partir du moment où la Cour tente d'objectiver la sphère
contractuelle et partant les solutions jurisprudentielles, le
critère déterminant est de savoir si l'élément, objet du
changement, est ou non dans le champ contractuel. L'incidence de
la mesure prise par l'employeur devrait dépendre de la nature
de l'élément qu'elle affecte : si celui-ci est compris dans le
contrat, il s'agit d'une modification du contrat qui requiert
l'accord du salarié sur le fondement de l'article 1134 du Code
civil; si, au contraire, il est extérieur au contrat, il ne
s'agit que d'un simple changement des conditions de travail que
le salarié se doit d'accepter en vertu du rapport de
subordination. A cet égard, l'élément " durée du
travail ", mais également " organisation du temps de
travail " offre un champ d'investigations semé
d'incertitudes.
Il est
normalement admis que la modification unilatérale du contrat de
travail est un processus qui témoigne de la volonté d'un
cocontractant de modifier un élément du contrat'!. il s'agit
d'un processus propre à la relation individuelle de travail.
Autrement dit, seule la décision unilatérale de l'employeur -
cocontractant - devrait pouvoir modifier le contrat de travail.
L'incidence éventuelle sur le contrat d'une modification ne
devrait donc s'apprécier qu'au regard de la décision
unilatérale de son auteur. Pourtant, en revitalisant le contrat
de travail et en rebâtissant ses contours le juge invite
également à vérifier que des normes relevant du statut
collectif ne sont pas susceptibles de modifier certains de ses
éléments et donc de requérir l'accord du salarié . A cet
égard, l'organisation du temps du travail est largement
encadrée par des normes collectives.
A la suite de
l'arrêt Bonimond du 20 octobre 1998 affirmant que " la
durée du travail telle que mentionnée au contrat de travail,
constitue, en principe, un élément du contrat...", les
auteurs se sont interrogés sur la capacité de résistance du
contrat de travail face à un accord dérogatoire, ou à un
accord de réduction de la durée du travail initié par la
première loi Aubry du 13 juin 1998. Il est vrai que la Cour de
cassation juge également qu' "un accord collectif ne peut
modifier sans l'accord des salariés concernés, les droits
qu'ils tiennent de leur contrat de travail".
En réponse à
cette jurisprudence, le nouvel article L.212-3 du Code du
travail issu de la loi du 19 janvier 2000 dispose que "la
seule diminution du nombre d'heures stipulées au contrat de
travail, en application d'un accord de réduction de la durée
du travail, ne constitue pas une modification du contrat de
travail". Ce texte écarte implicitement la règle de
faveur édictée par l'article L.135-2 du Code du travail qui
résout le conflit entre la convention collective et le contrat
de travail au profit de ce dernier. Sans remettre en cause
l'autonomie du statut collectif et du contrat de travail, ce
texte sous-entend que le contrat peut se trouver modifié par un
accord de réduction du temps de travail qui impose des
sujétions distinctes de la seule diminution du nombre d'heures.
La question de
la capacité de résistance du contrat de travail à l'accord
collectif reste d'importance dans la mesure où la négociation
annuelle traite plus particulièrement de l'aménagement du
temps de travail et de la durée du travail. Dès lors, il est
permis de se demander si le salarié peut s'opposer à des
dispositions conventionnelles d'aménagement du temps du travail
(modulation des horaires, mise en place d'équipes de
suppléance...) qui entrent en contradiction avec son contrat de
travail. A l'inverse, peut-il prétendre au maintien de droits
issus du statut collectif alors même que son contrat de travail
ne contient aucune mention sur l'élément revendiqué ? La
réponse devrait dépendre a priori moins de la source de la
modification que de ce qu'il faut intégrer dans la sphère
contractuelle lorsque l'on y désigne la durée du travail.
En revanche,
l'article L. 212-3 du Code du travail ne règle pas la question
de la seule diminution de la durée du travail par application
de la loi. La réponse à cette question n'est pas indifférente
si on rappelle que le montant de la rémunération est
directement proportionnel, dans la plupart des cas, au nombre
d'heures effectuées. Comme toute question débattue, elle a
rencontré des opinions divergentes. Pour les uns, la
rémunération est un élément contractuel par nature qui ne
peut être modifié sans l'accord du salarié, y compris lorsque
l'employeur reçoit l'ordre de la loi de réduire la durée du
travail. Pour les autres, au contraire, l'effet mécanique de la
diminution de salaire consécutivement à la réduction licite
de la durée du travail ne modifie pas la rémunération
contractuelle. Le législateur n'a d'ailleurs exigé un
complément différentiel de salaire qu'au profit des salariés
rémunérés au SMIC. Les partenaires sociaux sont invités à
négocier des compensations financières au profit des autres
catégories. Le 27 mars 2001, la Chambre sociale a jugé que la
réduction hebdomadaire de la durée du travail, résultant d'un
accord collectif étendu, qui entraîne une perte effective de
la rémunération contractuelle, constitue une modification du
contrat de travailI1!,. Cependant, cette position
jurisprudentielle ne préjuge pas de la réponse quand seule la
réduction de la durée du travail est en cause. La réduction,
aux échéances 2000 et 2002, du nombre d'heures stipulées au
contrat entraîne-t-elle une modification du contrat de travail
?
A première
vue, la réponse à cette question peut sembler bien théorique
tant il est vrai que la plupart des salariés n'envisage pas de
se plaindre de l'accroissement de leur temps de loisirs et de la
réduction corrélative de leur temps de travail. Cependant, la
réponse donnée à la contractualisation de la durée du
travail conditionne également les situations juridiques où
l'employeur entend unilatéralement modifier la durée du
travail hebdomadaire en exigeant l'accomplissement d'heures
supplémentaires ou bouleverser l'organisation du temps de
travail pour un ou plusieurs salariés.
Avec l'arrêt
Dugard du 9 mars 1999, la Cour de cassation précise que "
les heures supplémentaires imposées, dans la limite du
contingent dont l'employeur dispose légalement et en raison des
nécessités de l'entreprise n'entraîne pas de modification du
contrat ". Cette jurisprudence ne manque pas de surprendre
après l'arrêt Bonimond du 20 octobre 1998. Des commentateurs
s'étaient d'ailleurs interrogés sur la liberté que conservait
l'employeur de faire exécuter des heures supplémentaires.
En effet,
n'est-il pas contradictoire d'affirmer que la durée du travail
est un élément contractuel et dans le même temps reconnaître
que l'accomplissement d'heures supplémentaires relève d'un
simple changement des conditions de travail ? Ou pire encore,
juger que la mise au chômage partiel n'a pas pour effet de
modifier le contrat de travail ? Pour certains commentateurs, le
principe formulé autorise nécessairement des exceptions ; pour
d'autres, le régime juridique des heures supplémentaires et du
chômage partiel constitue des " limites particulières
" à la contractualisation par nature de la durée du
travail. Pour certains, enfin, ces contradictions démontrent
que la nouvelle distinction retenue par la Cour de cassation
entre modification du contrat et changement des conditions du
travail est " contestable ".
En opposant la
modification du contrat de travail au simple changement des
conditions de travail, la Cour de cassation renonce à
s'interroger sur l'importance du changement et à son incidence
sur la vie personnelle du Salarié. Elle bannit le critère
subjectif du préjudice causé au salarié et partant, elle
s'inscrit en contradiction avec une des caractéristiques du
contrat qui est l'individualisation de la relation.
Dès lors, il
est particulièrement périlleux de justifier l'ensemble des
décisions jurisprudentielles qui touchent à la durée ou à
l'aménagement du temps de travail dans la mesure où la Cour ne
réintroduit le critère subjectif qu'à l'occasion de
l'appréciation de l'existence ou non d'une faute grave
consécutivement au refus d'un changement des conditions de
travail. Partant, sa jurisprudence tend à faire du contrat de
travail un contrat " type ", sorte de contrat
pré-imprimé qui présente l'originalité d'échapper, en
partie, à la volonté des deux parties, hormis le cas où
celles-ci ont manifesté une volonté particulière.
Puisqu'il est
communément admis que pour déterminer l'existence d'une
modification du contrat de travail, il convient de rechercher si
l'élément modifié est un élément contractuel ou non, la
distinction entre modification du contrat et changement des
conditions de travail devrait dépendre de la nature de
l'élément modifié (I). Plus encore, puisque cette asepsie du
contrat de travail a fait craindre que sa force obligatoire
serait la même quelque soit le fait générateur de la
modification : normes collectives ou décision unilatérale de
l'employeur, il nous appartient de vérifier si la distinction
entre modification du contrat et changement des conditions de
travail dépend de l'origine de la modification (II).
1. La distinction entre
modification du contrat et changement des conditions de travail
dépend-elle de la nature de l'élément modifié ?
La question de
savoir si l'élément modifié est ou non contractuel est
particulièrement délicate à résoudre dans la mesure où les
éléments touchant à la durée ou à l'aménagement du temps
de travail n'ont pas vocation à intégrer la sphère
contractuelle en raison de leur nature collective. Néanmoins,
le contentieux, particulièrement abondant, nous enseigne que
face à une décision unilatérale de l'employeur désirant
modifier un ou plusieurs de ces éléments, la force obligatoire
du contrat est appelée à jouer. Le domaine des conditions du
travail s'en trouve réduit proportionnellement dans une
matière relevant a priori plutôt du pouvoir de direction de
l'employeur. Dès lors, il nous appartient, au regard des seules
décisions où la volonté unilatérale du cocontractant se
manifeste, de tenter de classer ces éléments.
Pour ce faire,
il convient d'opposer les éléments contractualisés
indépendamment de toute volonté exprimée [A] aux éléments
contractualisés par la volonté délibérée des parties
contractantes [B].
A. Les éléments
contractualisés indépendamment de toute volonté exprimée
Lorsqu'il
s'agit d'apprécier la contractualisation de la durée du
travail, il apparaît très vite nécessaire de dissocier
l'aménagement ou l'organisation du temps de travail du volume
horaire de la prestation convenue.
Depuis
l'arrêt Bonimond du 20 octobre 1998 qui affirme que la durée
du travail, telle que mentionnée au contrat de travail,
constitue, en principe, un élément du contrat de travail qui
ne peut être modifié sans l'accord du salarié, il est
couramment admis que le volume de la prestation est un élément
contractuel par nature. Il est vrai que l'arrêt ne désigne
comme élément contractuel que la durée " mentionnée
" au contrat. En l'espèce, le contrat de travail indiquait
une durée de 39 heures et l'employeur souhaitait accroître
cette durée de 2 heures hebdomadaire en l'assortissant d'une
nouvelle répartition des heures de travail. Même accompagnée
d'une augmentation de salaire, la salariée a été en droit de
la refuser. En réalité, cet arrêt de répond pas clairement
à la question de savoir si la durée du travail est ou non un
élément par nature du socle contractuel.
La durée
légale de travail n'est pas un horaire effectif imposé aux
entreprises. Elle constitue essentiellement le seuil de
déclenchement des dispositions légales relatives aux heures
supplémentaires ou encore aux heures de récupération.
Néanmoins, il est certain, aux termes de l'article L. 212-4-3
du Code du travail que la durée du travail est un élément
contractuel par nature pour les salariés à temps partiel. En
tout état de cause, les heures complémentaires susceptibles de
leur être proposées, ne peuvent avoir pour effet de porter
leur durée de travail au niveau de la durée légale ou
conventionnelle. C'est clairement affirmer que le travail à
temps partiel ne se confond pas avec le travail à temps
complet. Ainsi, un salarié à temps partiel peut refuser de
passer à temps complet, et inversement. En formalisant le
contrat de travail à temps partiel, lequel ne saurait être
reconnu en l'absence d'écrit, le législateur amène à
considérer que la durée du travail est bien un élément
contractuel par nature pour les salariés à temps plein.
En effet, si
le salarié fi est pas embauché à temps partiel, c'est donc
qu'il a conclu un contrat de travail sur la base de la durée
légale de travail ou plus exactement sur la base de l'horaire
collectif applicable dans l'entreprise. Si l'horaire collectif
applique la durée conventionnelle, il est permis de penser que
celle-ci pénètre également la sphère contractuelle
indépendamment d'une volonté affirmée des parties. Ainsi, la
mise en place d'un nouvel horaire ne saurait avoir pour effet de
réduire la durée du travail sans l'accord du salarié. Plus
encore, si une salariée a été embauchée pour 39 heures, peu
importe qu'elle n'ait pas accompli effectivement cette durée
chaque mois depuis son embauche. L'apposition de sa signature
sur un relevé individuel d'horaires ou sur le bulletin de paye
ne caractérise pas son acceptation d'une modification de son
contrat.
Ainsi, les
heures supplémentaires, en raison de leur caractère
temporaire, ne touchent pas à la durée normale de travail.
Elles ne remettent pas en cause le caractère de temps plein du
contrat de travail. Il est de jurisprudence constante que le
recours ou la suppression des heures supplémentaires relève du
pouvoir de direction de l'employeur et que le salarié ne peut
refuser de les exécuter ou se plaindre de leur suppression.
Seule une convention de forfait peut conférer à un horaire
déterminé supérieur à la durée légale ou à la durée
conventionnelle, la qualification d'élément contractuel.
Les solutions
concernant la mise au chômage partiel peuvent être
appréciées pareillement. La modification de la durée du
travail n'est que temporaire, puisque la mise au chômage
partiel est une alternative à la rupture du contrat de travail.
Il n'y a pas de modification du contrat pendant la période
d'indemnisation prévue par l'article L. 351-25 du Code du
travail. L'économie du contrat de travail n'est pas touchée
car le contrat ne fait l'objet d'aucune novation.
A coté du
volume de la prestation convenue, il existe des e1éments
qualitatifs qui touchent à l'aménagement du temps de travail
dans l'entreprise. Ainsi, si les horaires, généralement
collectifs, sont indicatifs du volume de la prestation, ils
établissent également une certaine répartition du temps de
travail sur la journée, sur la semaine ou encore sur le mois.
Ils ne font généralement pas l'objet d'une mention spécifique
dans le contrat de travail, puisqu'ils s'adressent à la
collectivité des salariés.
Il en est de
même d'ailleurs du recours aux équipes de suppléance en
l'absence d'accord collectif et après autorisation de
l'inspecteur du travail (C. trav., art. R. 221-14), de la mise
en place d'horaires individualisés après accord du comité
d'entreprise, du travail par cycle pour les entreprises
autorisées par décret (entreprises de surveillance, de
gardiennage), du travail en continu. Ces "avantages"
bénéficient à tous et relèvent de l'organisation collective
de l'entreprise, aussi serait-on tenté de les exclure de la
sphère contractuelle. Pourtant, le juge fait jouer la force
obligatoire du contrat sans véritablement vérifier
l'existence, dans le contrat de travail, d'une mention
spécifique sur l'organisation du temps de travail du salarié.
Dès lors, il est permis de se demander si certains éléments
touchant à l'aménagement du temps de travail ne sont pas
également des éléments contractuels qui pénétreraient la
sphère contractuelle indépendamment d'une volonté affirmée
des parties contractantes.
Hormis le cas
des salariés à temps partiel, les auteurs s'accordent pour
penser que le changement d'horaires relève normalement des
conditions de travail. La simple répartition des heures n'est
pas censée affecter le volume de la prestation et donc toucher
à la durée du travail. Ainsi, un simple changement d'horaires
au sein de la journée, ou encore au sein de la semaine ne
modifie normalement pas le contrat de travail. Plus
généralement, la Cour invite les juges du fond à rechercher
si le changement d'horaires comporte ou non-modification du
contrat de travail. C'est dire que le critère d'une atteinte au
volume de la prestation n'est pas en soi suffisant pour
justifier les décisions rendues. Certains auteurs ont pensé
que la Cour réintroduisait le critère de l'ampleur de la
modification, d'autres ont relevé le manque de lisibilité des
décisions. En réalité, les décisions rendues se justifient
par la conception objective du contrat de travail qui amène à
en faire un contrat type.
L'étude de la
jurisprudence établit qu'est introduit dans la sphère
contractuelle tous les éléments d'aménagement du temps de
travail qui, soit correspondent à une situation objective comme
par exemple, travailler tous les jours ouvrables de la semaine,
soit correspondent à la pratique de l'entreprise, comme un
travail par cycle ou par roulement.
Ainsi, modifie
le contrat de travail, l'employeur qui fait passer un salarié
d'un horaire de jour à un horaire de nuit d'un horaire continu
à un horaire discontinu. En l'espèce, le salarié qui
travaillait habituellement de 4 h 30 à 11 h 30 avec une pause
d'une demi-heure s'était vu ordonner de travailler en deux
périodes distinctes de 4 h 30 à 8 h 30 d'une part, de 14 h 30
à 17 h d'autre part.
Ainsi, un
employeur ne peut pas imposer à un salarié un aménagement du
temps de travail qui n'est manifestement pas normale au regard
du poste occupé, comme par exemple, imposer des permanences et
des astreintes à une salariée qui ne les assumait pas
jusqu'alors. A l'inverse, a été jugé qu'un cadre dirigeant ne
peut pas refuser de travailler le vendredi après midi, alors
même que son contrat mentionnait des horaires du lundi au
vendredi midi, qu'il n'y a pas modification du contrat de
travail à demander à une salariée de venir travailler pendant
la pause de midi ou à venir travailler un samedi sur deux par
roulement. Dans cette dernière espèce, la Cour souligne que le
samedi est un jour ouvrable et que les parties auraient pu, par
une clause contractuelle expresse, exclure le travail le samedi.
Au regard de ces dernières espèces, il est manifeste que le
salarié ne peut pas se plaindre de ce que l'employeur mette en
oeuvre un changement qui correspond à une situation de travail
objectivement normale. Il s'agit donc de l'exécution d'un
contrat de travail type dont les mentions ne sont pas relevées
par le juge.
Pour qu'il en
aille différemment et que la normalité laisse la place à des
situations spécifiques, il convient de vérifier que l'horaire
collectif désigne une pratique originale de l'entreprise.
Ainsi, le salarié, employé dans une station service ouverte 24
h sur 24 et dont le personnel travaille par roulement sans
horaire fixe, ne peut se plaindre de passer d'un travail de nuit
à un travail de jour. Modifie le contrat de travail l'employeur
qui met en place de nouveaux horaires et supprime le cycle
habituellement pratiqué dans l'entreprise. En l'espèce,
l'employeur entendait simplement faire travailler ses salariés
sur 5 jours alors qu'ils bénéficiaient d'un cycle de travail,
une semaine de 3 jours et une semaine de 4 jours. Pareillement,
modifie le contrat de travail, l'employeur qui revient à
l'horaire antérieur pratiqué dans son entreprise et demande à
ses salariés de travailler sur cinq jours au lieu de quatre. A
partir du moment où le juge ne s'intéresse pas aux termes du
contrat, ces dernières décisions établissent bien que
l'horaire collectif a intégré la sphère contractuelle, et que
l'employeur ne peut plus unilatéralement modifier le contrat de
travail de chacun de ses salariés sans requérir leur accord.
En résumé,
la sphère contractuelle est devenue exponentielle lorsqu'il
s'agit d'apprécier les modalités d'aménagement du temps de
travail. Il est permis de souligner que la distinction entre
modification des éléments du contrat et changement des
conditions de travail n'est pas très opérationnelle et qu'il
convient simplement d'apprécier si l'employeur modifie
l'économie du contrat ou procède à son exécution dans les
limites de son pouvoir de direction. Le seul critère de
distinction dont on soit sûr qu'il ait disparu, est celui de
l'incidence du changement sur la vie du salarié. Le juge a
clairement renoncé à une appréciation subjective de la
modification.
Concernant
l'aménagement du temps de travail, le contrat de travail
accueille, indépendamment de la volonté exprimée des parties,
d'une part, des éléments objectivement contractuels qui
répondent à une situation de travail normale dans l'opinion
commune et, d'autre part, des éléments qui traduisent une
pratique collective de l'entreprise et qui établissent
l'adhésion du salarié au statut collectif de l'entreprise.
Cependant, la volonté des cocontractants peut encore s'exprimer
pour individualiser la relation contractuelle. D'ailleurs, le
juge invite souvent les parties à contractualiser des
éléments.
B. Les éléments contractualisés par la volonté
délibérée des parties
Face à ce
contrat de travail type, les parties contractantes sont
invitées à individualiser leur relation de travail soit, pour
offrir au salarié la garantie que la norme commune ne lui sera
pas applicable, soit pour permettre à l'employeur de conserver
la liberté de modifier le contrat en fonction des besoins de
l'entreprise. Un auteur parle même de " stratégie de
contractualisation ". Parfois, encore, certains éléments
sont introduits dans le contrat sans qu'il soit certain que la
volonté des parties ait été de les contractualiser. Nombreux
auteurs commencent à penser qu'il existe dans le contrat de
travail des éléments qui relèvent de l'information.
Normalement le principe de la liberté contractuelle devrait
autoriser les parties à insérer toutes sortes de clauses dès
lors qu'elles ne sont pas contraires à l'ordre public. En
réalité, la Cour de cassation opère des distinctions.
D'une part,
elle tend à paralyser les clauses qui permettent à l'employeur
de s'arroger un pouvoir discrétionnaire et qui se révèlent
purement potestatives au sens de l'article 1174 du Code civil.
Ainsi, un employeur ne pouvait se réserver la possibilité
d'étendre la portée d'une clause de non-concurrence, ne peut
désormais insérer une clause de variation des bases de la
rémunération contractuelle (voir sur ce point la chronique de
P.-H. Antonmattei dans le présent numéro ). Il est
intéressant de noter que la clause annulée portait sur la
partie variable de la rémunération, ne modifiait pas
l'économie du contrat et répondait à l'intérêt de
l'entreprise en réservant cette faculté d'adaptation à
l'évolution du marché et des produits de la marque. En
l'espèce, les paramètres d'adaptation étaient beaucoup trop
imprécis pour ôter à la décision unilatérale de
l'employeur, son caractère discrétionnaire. A priori, une
clause contractuelle pourrait être valable si elle permet à
l'employeur de faire varier une partie du salaire à partir
d'éléments objectifs, tels le chiffre d'affaires ou un
pourcentage des ventes.
Cette
incursion dans le domaine de la rémunération contractuelle a
pour objet de montrer que le problème est similaire en matière
de durée du travail. Dès lors que l'employeur s'arroge le
droit, par l'insertion d'une clause, de modifier le volume de la
prestation, il encourt la censure de la Cour de cassation.
Ainsi, a été jugée inopérante la clause permettant de
transformer avant une certaine date un travail à temps complet
en un travail à temps partiel. Cette jurisprudence ne signifie
pas pourtant que r employeur ne puisse plus insérer de clause
de variabilité d'horaires dès lors qu'il n'entend pas modifier
le volume de la prestation. En effet, un raisonnement par
analogie peut être conduit à partir du travail à temps
partiel.
Avant que la
loi du 19 janvier 2000 ne contractualise les clauses de
variation d'horaires (C. trav., art. L. 212-4-3), la
jurisprudence encadrait, mais ne condamnait pas ces clauses.
Pour être valable, la clause devait préciser l'ampleur de la
variation et énoncer les cas dans lesquels cette modification
pouvait intervenir.
Désormais, le
nouvel article L. 212-4-3 du Code du travail entérine cette
jurisprudence et dispose que le contrat " définit en outre
les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette
répartition (de la durée du travail entre les jours de la
semaine ou les semaines du mois) peut intervenir ainsi que la
nature de cette modification ". Un délai de prévenance de
7 jours doit être respecté. L'objet de cette disposition est,
certes d'informer le salarié, mais également de permettre à
l'employeur d'organiser, dans l'intérêt de l'entreprise, une
nouvelle répartition du temps de travail.
A défaut
d'une telle mention dans le contrat de travail à temps partiel,
l'alinéa 5 précise, bien inutilement, que le refus ne saurait
constituer une faute ou un motif de licenciement. En réalité,
comme pour le travailleur à temps plein, le contrat de travail
se trouve modifié dans la mesure où nous avons pu constater
que les éléments tournant à r aménagement du temps de
travail pénètrent la sphère contractuelle indépendamment
d'une volonté exprimée. Dès lors, il est permis de penser que
ce que la loi autorise pour le contrat de travail à temps
partiel, la liberté contractuelle devrait pouvoir le formuler
dans un contrat à temps plein.
Même la
condamnation sur le fondement de l'article 1134 alinéa 2 du
Code civil de " la clause, par laquelle l'employeur se
réserve le droit de modifier, en tout ou partie, le contrat de
travail ", ne nous paraît pas suffisante pour déclarer
nulles toutes les clauses de variation d'horaires.
En effet, dans
cette dernière espèce, l'employeur entendait faire échec à
la clause contractuelle fixant les modalités de calcul des
commissions en se réservant le droit de modifier à sa guise la
partie variable du salaire ; l'accord du salarié sur le mode de
rémunération résultait de la lettre du contrat. Lorsqu'il
s'agit de l'aménagement du temps de travail, les parties
contractantes n'insèrent généralement aucune clause
particulière. Dès lors, il paraît difficile de condamner la
clause de variation d'horaires qui a aussi pour objet
d'individualiser la relation contractuelle. La clause de
mobilité demeure licite si l'employeur n'en fait pas un usage
abusif. Pareillement, l'employeur devrait pouvoir se réserver
le droit de modifier l'aménagement du temps de travail de ses
salariés en fonction des besoins, préalablement définis, de
son entreprise. Pour être valable, il suffirait que la clause
soit indispensable à la protection des intérêts légitimes de
l'entreprise, soit justifiée par la nature de la tâche à
accomplir et proportionnée au but recherché. L'article L.
120-2 du Code du travail devrait se révéler suffisant pour que
les clauses de variation d'horaires ne deviennent pas des
clauses de style. Les horaires de travail ne sont-ils pas
l'expression d'une liberté individuelle ? A l'inverse, même si
cela est plus théorique, le salarié peut demander la
contractualisation d'un élément pour des raisons tenant à sa
vie personnelle, comme par exemple ne pas travailler le vendredi
après-midi, le samedi ou encore pendant les pauses du
déjeuner.
D'autre part,
la Cour de cassation autorise les clauses qui répondent à
l'intérêt des deux parties comme la clause de forfait des
heures supplémentaires. Il s'agit d'un mode de rémunération
des heures supplémentaires qui offre au salarié la garantie de
leur volume et le maintien des majorations .
Cette
possibilité est ouverte par l'article 2 de l'accord national
interprofessionnel du 10 décembre 1977. Il est de jurisprudence
constante que la convention de forfait ne se présume pas et
qu'il appartient à celui qui s'en prévaut d'en rapporter la
preuve. Cette preuve ne résulte pas nécessairement d'une
mention dans le contrat de travail, même si ce sera le plus
souvent le cas en pratique car il y va de l'intérêt de
l'employeur. L'accord des parties doit être clairement établi
car un usage d'entreprise ne peut l'imposer au salarié et la
seule production des bulletins de paye n'y suffit pas. Pour les
cadres, le nouvel article L. 212-15-3 exige une convention
individuelle lorsqu'il s'agit de comptabiliser leur durée du
travail.
Quoi qu'il en
soit, le caractère contractuel de la convention de forfait
autorise le salarié à refuser sa modification, ce qui va
nécessairement devenir problématique pour les entreprises qui
passent aux 35 heures hebdomadaires sachant que seul le
contingent légal d'heures supplémentaires peut être
contractualisé.
L'individualisation
de la relation de travail reste donc possible même si le juge
conserve une attitude de méfiance à l'égard de clauses qui ne
sont pas directement favorables au salarié et qui ne
s'inscrivent pas dans une situation de travail objectivée.
Cette incursion dans la sphère contractuelle devrait alors le
conduire à une lecture nouvelle des clauses qui n'établissent
pas clairement l'intention des parties de contractualiser un
élément. Puisque le juge contractualise certains éléments
qui ne font pas l'objet d'une mention expresse, il devrait
pareillement admettre que l'écrit n'entraîne pas
automatiquement le contractuel ; que certaines clauses n'ont
qu'une valeur informative. A cet égard, la directive n° 91-533
du 14 octobre 1991, en imposant une information écrite du
salarié sur les éléments essentiels du contrat de travail ou
de la relation de travail, incite à la contractualisation
d'éléments qui fixent uniquement les conditions applicables au
contrat. Pour certains auteurs, ces éléments introduits dans
le contrat relèvent plus de l'information que de la
contractualisation. Ainsi, critiquent-ils la contractualisation
de la convention collective simplement désignée dans le
contrat de travail.
Désormais, la
CJCE, dans un arrêt en date du 8 février 2001, admet que la
liste des éléments mentionnés dans l'article 2, § 2 de
l'accord du 10 novembre 1977 n'est pas limitative et qu'il
appartient à l'employeur de porter à la connaissance du
travailleur une stipulation en vertu de laquelle le salarié est
obligé d'effectuer des heures supplémentaires sur la simple
demande de l'employeur. La transposition minimale de la
directive s'est faite par le biais du bulletin de paye (C.
trav., art. R. 143-2).
Ce document ne
paraît guère approprié à l'insertion de mentions
introduisant des obligations à la marge du salarié. Un
document annexé au contrat de travail évite très certainement
la voie de la contractualisation. Il a été jugé que
l'indication dans le contrat de travail, qu'un livret d'accueil
a été remis au salarié, ne contractualise pas les
informations qui y sont contenues. La mention dans le contrat de
travail d'une obligation d'exécuter des heures supplémentaires
ne devrait pas les contractualiser et cela même, si ces heures
sont déterminées dans leur nombre, l'employeur conservant la
liberté de ne pas en demander l'exécution. Plus
généralement, il est permis de penser que les clauses qui
fixent une organisation normale de travail devraient pouvoir
être modifiées sans l'accord du salarié sous réserve que
l'employeur n'ait pour exigence que l'exécution d'une situation
de travail objectivement normale. En conséquence, lorsque le
contrat de travail détermine une répartition classique des
horaires au sein de la journée ou au sein de la semaine, il est
possible de penser que dans l'intention des parties, ces
horaires ne sont pas garantis. C'est cette solution que la Cour
de cassation a retenue dans l'arrêt du 16 mai 2000 en écartant
la clause contractuelle claire et précise qui répartissait les
horaires d'un cadre dirigeant du lundi au vendredi midi.
Objectivement, la qualité de cadre empêchait ce salarié de se
plaindre d'une modification d'horaires consistant à le faire
travailler le vendredi après-midi.
En conclusion,
lorsque le juge apprécie l'incidence d'une modification de la
durée ou de l'aménagement du temps de travail sur le contrat
de travail, il ne fonde pas sa solution seulement sur le
libellé du contrat. Il est vrai que l'écrit n'est pas exigé
lorsque le contrat est à durée indéterminée à temps
complet. En conséquence, la commune intention des parties va
désormais se révéler le plus souvent au travers d'un contrat
type, virtuellement dégagé par le juge. Si la nature
contractuelle ou non de l'élément modifié est bien le
critère de distinction entre modification du contrat et
d1angement des conditions de travail, force est de constater
qu'en matière d'aménagement du temps de travail, les
conditions de travail pénètrent la sphère contractuelle,
tantôt pour se contractualiser, tantôt pour assurer
l'information du salarié. Parfois même, leur
contractualisation expresse est écartée si elle ne répond pas
à un intérêt légitime. C'est dire que le critère de la
nature de l'élément modifié n'est pas très opérant pour
offrir une stabilité juridique satisfaisante. Est également
porteuse d'incertitudes l'appréciation de l'incidence d'une
modification de la durée ou de l'aménagement du travail
lorsqu'elle est appréciée au regard de l'origine de la
modification.
2.
La distinction entre modification du contrat et changement des
conditions de travail dépend-elle de l'origine de la
modification ?
La question
est de savoir si la loi, la convention collective ou encore
l'engagement unilatéral sont susceptibles de modifier le
contrat de travail. Normalement le principe de l'autonomie du
statut collectif et du contrat de travail devrait écarter cette
interrogation ; le mécanisme de modification du contrat ne
devrait être qu'un processus propre à la relation
individuelle. Néanmoins, l'espace juridique désormais alloué
à la force obligatoire du contrat oblige à penser que
n'importe quel fait générateur est susceptible de modifier des
éléments du contrat. Ainsi, la distinction entre modification
du contrat et changement des conditions de travail ne semble pas
dépendre de l'origine de la modification [A]. Plus encore,
puisque seuls les éléments contractuels sont susceptibles de
faire l'objet d'une modification, il convient de se demander si
la norme collective ne se contractualise pas lorsqu'elle opère
modification du contrat de travail. En d'autres termes,
l'origine de la modification a-t-elle une incidence sur la
nature de l'élément modifié [B] ?
A. La distinction ne
semble pas dépendre de l'origine de la modification
En énonçant
qu'un accord collectif ne peut modifier les droits issus du
contrat de travail, la Cour de cassation tend à écarter la
règle de faveur posée par l'article L. 135-2 du Code du
travail qui oblige à comparer des normes précises au profit de
l'application de l'article 1134 du Code civil.
Dès lors,
pour apprécier la capacité de résistance du contrat de
travail, les auteurs se sont surtout attachés à préciser
quels étaient les éléments contractuels par nature,
susceptibles de résister à l'application de la norme
collective. En matière de durée et d'aménagement du temps de
travail, nous avons pu constater que la force obligatoire du
contrat joue alors même que les parties fi ont pas exprimé une
volonté expresse de contractualisation.
Est-ce à dire
que la capacité de résistance du contrat est la même quel que
soit le fait générateur de la modification ?
Nous ne le
pensons pas, aussi convient-il de distinguer selon que
l'élément modifié fait ou non l'objet d'une clause
contractuelle expresse.
En présence d'une clause contractuelle expresse garantissant
une durée précise de travail ou une organisation spécifique
du travail, il paraît logique de penser que la force
obligatoire du contrat va jouer et le salarié va pouvoir
s'opposer à l'application d'une clause conventionnelle ou à
une disposition légale qui entre en contradiction avec les
termes de son contrat de travail. Seul l'article L. 212-3 du
Code du travail fait exception à ce principe en énonçant que
" la seule diminution du nombre d'heures stipulées au
contrat de travail, en application d'un accord de réduction du
temps de travail, ne constitue pas une modification du contrat
de travail ".
Par sa
généralité, ce texte devrait d'ailleurs s'appliquer au
travailleur à temps partiel. A priori, ce texte ne vise que le
volume de la prestation et non pas le rythme de travail. Dès
lors, il est possible de penser qu'un salarié va pouvoir
refuser, par exemple, une modulation du temps de travail
intégrant de grandes amplitudes si son contrat établit une
répartition précise des horaires (sauf à admettre que la
clause contractuelle n'a qu'une valeur informative).
Plus
généralement, le salarié peut s'opposer à l'application de
la norme conventionnelle sans qu'il soit besoin de vérifier
quelle est la clause la plus favorable. Le changement de
fondement juridique a pour effet de transférer au salarié
l'appréciation de la situation de faveur. L'individuel et le
subjectif prennent le pas sur le collectif.
Pareillement,
si le salarié bénéficie d'une clause contractuelle
garantissant une durée de travail de 39 heures et qui ne soit
pas une clause de style, il devrait pouvoir, indépendamment de
toute diminution de rémunération, pouvoir s'opposer à un
passage à 35 heures. Une lecture a contrario de l'article L.
212-3 autorise cette affirmation. Cette situation fort
théorique ne devrait pas créer de contentieux.
En revanche,
si l'élément modifié ne fait l'objet d'aucune clause
contractuelle expresse, la capacité de résistance du contrat
devient particulièrement incertaine en matière de durée du
travail. Les auteurs s'accordent à penser que la force
obligatoire du contrat ne peut jouer que pour les éléments
contractuels par nature et ceux-ci supposent d'être
parfaitement Circonscrits. Ainsi, à propos de la
rémunération, la Chambre sociale juge que l'entrée en vigueur
d'une nouvelle convention collective ne peut modifier le salaire
contractuel du salarié mais que si le montant annuel demeure
inchangé, la structure de la rémunération peut être
modifiée. Dans cet esprit, la réduction du temps de travail,
par application de la loi ou même par accord collectif, ne
modifie pas le contrat de travail dans la mesure où le salarié
demeure à temps plein. Plus encore, la décision patronale
d'appliquer la loi ne modifie pas le contrat de travail.
Pour les
éléments d'aménagement du temps du travail, dont il est
difficile de prétendre qu'ils sont des éléments contractuels
par nature, même si nous avons pu constater leur
contractualisation, il a été jugé que la mise en place d'un
régime d'astreinte, par accord collectif, ne modifie pas le
contrat de travail. Dans cette espèce, le salarié ne pouvait
se prévaloir d'une clause contractuelle particulière. Cette
jurisprudence permet de penser que le principe de la force
obligatoire du contrat trouve ses limites d'application en
l'absence de clause contractuelle expresse. il jouerait comme la
règle de faveur qui suppose une comparaison de normes.
Pourtant, un arrêt en date du 17 octobre 2000 vient contredire
cette analyse en ce qu'il retient qu'un contrat de travail,
dépourvu de clause de non-concurrence, ne peut être modifié
par un accord d'établissement instituant une telle
interdiction. La Cour de cassation permet donc au salarié de
s'opposer à la norme négociée dès lors que celle-ci est
créatrice d'obligations. En l'espèce, la convention collective
portait atteinte à une liberté fondamentale. Faut-il alors
penser que l'arrêt du 16 décembre 1998 sur les astreintes
n'est plus d'actualité et que le salarié pourrait désormais
invoquer la force obligatoire du contrat alors même que
l'élément modifié n'est pas un elément contractuel par
nature ou n' est pas contractualisé par une clause expresse ?
Telle semble être la nouvelle orientation jurisprudentielle.
N'est-il pas vrai qu'un régime d'astreintes ou qu'un accord de
modulation peuvent pareillement porter atteintes aux libertés
individuelles des salariés ?
Néanmoins,
lorsqu'il s'agit des accords de réduction de la durée du
travail, nous pensons que leur subordination à la loi du 19
janvier 2(XX) devrait être en soi suffisante. Dès lors qu'ils
n'encourent pas la censure judiciaire sur le fondement de
l'article 28-{(72) ils devraient s'imposer au salarié.
Dans ces
espèces, il s'agissait justement d'apprécier la conformité à
l'article L. 212-9, de clauses restreignant la liberté dont
dispose le salarié pour prendre ses jours de réduction du
temps de travail. La subordination à la loi de l'accord
collectif de réduction du temps de travail ne devrait pas se
doubler d'une subordination au contrat de travail.
Par le jeu de
la force obligatoire du contrat, peut-on permettre aux salariés
de s'opposer aux obligations issues de la norme négociée et
profiter de ses avantages alors que la négociation avait
justement pour objet d'équilibrer l'ensemble du texte
conventionnel ? Le caractère impératif de l'accord collectif
s'en trouve incontestablement ébranlé.
La question de
la subordination au contrat des normes atypiques ou encore des
engagements unilatéraux est tout aussi délicate à traiter. La
règle de faveur de l'article L. 135-2 du Code du travail n'a
jamais eu vocation à jouer.
En outre,
l'engagement unilatéral ne peut être que créateur de droits
au profit du salarié. Il est supposé se distinguer de la
décision unilatérale modificatrice du contrat individuel par
son caractère de généralité et de permanence. Pourtant, en
matière d'horaires de travail et plus généralement,
d'aménagement du temps de travail, le juge ne les distingue pas
et se contente de faire jouer la force obligatoire du contrat.
Est-ce à dire
que l'engagement unilatéral qui fait peser sur les salariés
des charges ou des contraintes nouvelles modifie le contrat de
travail ? La réponse devrait être positive. Plus encore,
l'existence ou non d'une clause contractuelle ne devrait pas
influer sur la capacité de résistance du contrat de travail à
l'engagement unilatéral. Ces réponses s'imposent au regard de
la jurisprudence relative aux horaires de travail.
Ainsi, se font
jour deux catégories d'engagements unilatéraux : ceux qui
procurent des avantages et ceux qui introduisent des charges
nouvelles. Leur régime juridique devrait être différent. Le
Professeur Borenfreund souligne que la Cour de cassation s'est
parfois prononcée pour l'inopposabilité de ces normes
informelles porteuses d'obligations. Désormais, il est possible
de penser que la décision unilatérale à finalité collective,
expression du pouvoir de direction, se confond avec l'engagement
unilatéral créateur d'obligations.
En conclusion,
malgré un a priori en sens contraire, il a été permis de
vérifier que la distinction entre modification du contrat et
changement des conditions du travail ne dépend pas de l'origine
de la modification. N'importe quelle norme collective créatrice
d'obligations est susceptible d'opérer modification du contrat
de travail.
Reste alors à
se demander si cette modification du contrat emporte
corrélativement contractualisation des éléments. L'origine de
la modification a-t-elle une incidence sur la nature de
l'élément modifié ?
B. L'origine de la
modification a-t-elle une incidence sur la nature de l'élément
modifié ?
La question
est de savoir si tous les avantages, bien que de sources
différentes, se contractualisent pour permettre au salarié de
réclamer leur maintien. Puisque n'importe quelle source est
susceptible de modifier le contrat de travail et que seuls les
éléments intégrés dans le champ contractuel sont
susceptibles de faire l'objet d'une modification, logiquement
les éléments modifiés devraient se contractualiser. En
réalité, plus que la nature de l'avantage, c'est sa source qui
conditionne son régime juridique.
Il est de
jurisprudence constante que les conventions et accords
collectifs ne s'incorporent pas au contrat de travail des
bénéficiaires. Ainsi, a-t-il été jugé que si la
classification professionnelle ne résulte pas d'une clause
contractuelle, la modification de l'accord collectif par un
avenant régulièrement conclu s'impose au salarié.
Pareillement, la structure de la rémunération modifiée par un
accord de substitution s'impose aux salariés en l'absence de
clause contractuelle déterminant cette structure.
Néanmoins, il
est permis de se demander si cette jurisprudence s'applique à
l'aménagement du temps de travail. Lorsque la durée du travail
est fixée à 37 ou 38 heures hebdomadaires, un salarié peut-il
prétendre, dans l'attente d'un passage aux 35 heures, au
maintien de cette durée lorsque la convention collective cesse
de s'appliquer ?
A priori, l'autonomie du statut collectif commande de n'apporter
aucune exception à la règle de non-incorporation. Ainsi, les
salariés EDF-GDF ne peuvent se plaindre qu'un système
d'astreinte vienne se substituer à un régime de garde assorti
de primes. La modification du statut collectif est opposable aux
salariés et ne constitue pas une modification du contrat de
travail. La durée conventionnelle ou encore les aménagements
du temps de travail ne peuvent se contractualiser que par le
biais d'une décision patronale établissant des horaires
collectifs. La contractualisation des avantages issus de la
convention collective ne peut résulter que d'une volonté
claire et non équivoque des parties contractantes.
La
flexibilité du statut collectif ne cède le pas que dans les
cas de dénonciation ou de mise en cause de la convention ou
accord collectif de travail régis par l'article L. 132-8 du
Code du travail. Aux termes de ce texte, à défaut de nouvelle
convention ou d'accord de substitution, les salariés conservent
le bénéfice de leurs avantages individuels acquis. Ceux-ci
s'incorporent alors au contrat de travail dont ils deviennent un
élément. Indépendamment du point de savoir si cette
incorporation n'est que temporaire et n'opérerait pas une
véritable contractualisation, les éléments tournant à
l'aménagement du temps de travail ne sont pas strictement
" des avantages " et sont le plus souvent collectifs
par leur objet. Pour qu'il en aille différemment, l'avantage
doit procurer une rémunération ou un droit dont le salarié
bénéficie à titre personnel.
En
conséquence, les éléments d'aménagement du temps de travail
ne sont généralement pas susceptibles d'intégrer la sphère
contractuelle. Seule une clause conventionnelle de maintien des
avantages, insérée dans la convention nouvellement négociée,
serait susceptible de favoriser le maintien d'avantages
collectifs. Leur incorporation au contrat de travail n'a pas
lieu d'être dans la mesure où la nouvelle convention sert de
support à ces avantages.
Tout aussi
intéressante est la question de savoir si les avantages issus
d'un engagement unilatéral ou d'un usage intègrent la sphère
contractuelle. Depuis l'arrêt Deschamp, la Chambre sociale juge
que l'usage ne s'incorpore pas au contrat de travail. Ainsi,
lorsqu'une prime est due en vertu d'un usage ou d'un engagement
unilatéral de l'employeur, elle n'est pas incorporée aux
contrats de travail et la dénonciation régulière de l'usage
ou de l'engagement unilatéral n'emporte aucune modification de
ces contrats. Il appartient aux juges de rechercher le
caractère contractuel ou statutaire de l'avantage salarial.
En matière de
durée du travail, il nous a été permis de constater que les
normes informelles sont plutôt créatrices d'obligations.
Aussi, au-delà de la capacité de résistance du contrat de
travail, il convient de se demander si ces obligations ne se
sont pas contractualisées du fait d'un accord implicite du
salarié. En matière de prévoyance d'entreprise, l'article 11
de la loi Evin dispose qu'aucun salarié, employé dans une
entreprise avant la mise en place, à la suite d'une décision
unilatérale de l'employeur, d'un régime de prévoyance, ne
peut être contraint à cotiser contre son gré à ce système.
Autrement dit, les salariés présents dans l'entreprise sont
invités à donner leur accord au précompte d'une cotisation
salariale de prévoyance. Cet accord salarial ne
contractualise-t -il pas cette obligation de financer le régime
? Il est permis de le penser après l'arrêt du 5 octobre 1999
dans lequel la chambre sociale juge qu'un employeur qui
sollicite l'accord des salariés à la remise en cause d'un
usage, contractualise ce dernier. Pour les commentateurs de
cette décision, la solution se justifie surtout par le
caractère salarial de la prime de suppléance qui a
nécessairement une nature contractuelle. La durée du travail
et spécialement, les règles d'aménagement du temps de travail
n'ont certes pas cette nature contractuelle par nature.
Néanmoins, le
juge requiert bien souvent l'accord des deux parties lorsque
l'employeur modifie les contraintes d'aménagement du temps de
travail, fixées par les horaires collectifs. En ne se plaçant
pas sur le terrain des rapports entre le contrat de travail et
le statut collectif applicable au salarié, il opère de fait
une confusion entre décision unilatérale de gestion et norme
collective créatrice d'obligations. Ne faut-il pas alors en
déduire que le salarié en concluant son contrat de travail
adhère, mais également donne implicitement son accord aux
obligations issues du statut collectif ?
Dès lors, la
modification de ces contraintes, quelle qu'en soit alors
l'origine, opère modification du contrat de travail. Telle
semble être l'évolution de la jurisprudence. La cohérence de
l'édifice jurisprudentiel est au prix d'une contractualisation
des obligations issues du statut collectif puisque elles seules
opèrent modification du contrat de travail.
Au regard de
cette étude, il apparaît que la frontière entre le contrat de
travail et le statut collectif devient perméable. La norme
collective créatrice d'obligations tend à opérer modification
du contrat de travail que ce dernier contienne ou non une clause
contractuelle expresse. En effet, le salarié acquiert le droit
de s'opposer aux normes qui sont créatrices d'obligations. En
revanche, il ne peut revendiquer le maintien d'avantages issus
de ce même statut collectif; ces avantages ne se
contractualisent pas.
Paradoxalement,
si la norme collective peut être un fait générateur de
modification du contrat de travail, elle n'est pas
systématiquement un fait générateur de contractualisation.
Tout au plus, peut-on penser que les obligations issues de ce
statut collectif se contractualisent par accord implicite du
salarié.
Il est vrai
également que la contractualisation des éléments échappe
bien souvent à la volonté des parties pour que se fasse jour
un contrat de travail type et objectivé.
Puisque
l'approche subjective de la modification a définitivement
disparue, la Cour de cassation devrait à l'avenir renoncer à
distinguer entre modification des éléments du contrat de
travail et changement des conditions du travail. La recherche du
contenu du contrat a perdu son sens.
Il
conviendrait de lui préférer une appréciation fondée sur
l'atteinte objective à l'économie du contrat puisque c'est la
seule fonctionnelle en matière d'aménagement du temps de
travail.
Dominique
Asquinazi-Bailleux
Maître de conférences à la Faculté de droit de Toulon,
Institut de droit social. |
Sptembre
2001 |
L'irrésistible
ascension de la convention européenne des Droits de l'Homme dans
le procès prud'homal : prud'homme et défenseur, un cumul
impossible.
Nul ne peut
être juge et partie sauf en matière prud'homale ?
L'axiome
populaire est suffisamment bien ancré dans les esprits pour ne
pas encourir la moindre contestation. A des rôles distincts de
demandeur et de défendeur d'une part, de juge d'autre part,
correspondent des acteurs distincts même si le costume présente
des similitudes (voir sur le rituel judiciaire A. Garapon, Bien
juger, O. Jacob 1997). Cette différenciation s'étend logiquement
à la représentation. Avocat ou juge, il te faut choisir ta voie
dira-t-on à l'étudiant en droit.
Un
changement d'aiguillage se conçoit ultérieurement peut-être,
mais une seule voie sera empruntée à la fois. Sauf en matière
prud'homale ? Ce territoire résisterait-il à la norme commune ?
Composition paritaire, procédure particulière, tout milite en
faveur de la simplicité... donc de la singularité. (1
'expression " conseiller prud'homme " même enracinée
dans l'histoire étonnera le profane qui s'attendrait à trouver
" juge du travail " ). Est-ce à dire que, pour autant,
aux prud'hommes, tout deviendrait possible ? Assurément non, mais
la transgression de l'adage cité liminairement a été même
entérinée par le législateur (voir Traité de la juridiction
prud'homale, 1998, p. 371, nos 675 et suivants). L'article L.
516-4 du Code du travail issu de la loi du 6 mai 1982 reconnaît
le don d'ubiquité prud'homale, à savoir celui de défendre un
jour et de siéger le lendemain, tant que cela ne se passe pas
dans la section d'appartenance. Cela n'a pas toujours été le
cas, puisqu'avant la réforme de la procédure civile, un article
86 interdisait formellement aux parties de charger de leur
défense un juge en activité. Du reste, en raison de cet article,
l'assistance par un conseiller prud'homme avait été vitupérée
(TI Briançon, 22 janv.1963, Cah. prud'h.1964, p. 63, n°4).
Souplesse
légitime, même si elle n'est pas toujours bien acceptée,
l'article R 516-5 du Code du travail ne cantonne pas la faculté
de défense aux seuls avocats, pour r ouvrir aux délégués des
syndicats, au conjoint, aux collègues de la branche, aux membres
des entreprises mais pas (encore) au concubin. Et de fait, au fil
des scrutins, (plus) nombreux sont effectivement les conseillers
qui conjuguent r exercice de leur mandat électif avec
l'accomplissement de mandats de représentation ou d'assistance,
le plus souvent au titre d'une habilitation syndicale. Une
pratique qui s'est sans doute répandue en raison du tarissement
des vocations appelant les militants " au four et au moulin
", mais qui " suscite un profond malaise " (voir M.
Pierchon et A. Dorant, Le conseil de prud'hommes en pratique,
Semaine sociale Lamy, suppl. au n° 1034, p. 9).
L'irrésistible
ascension des exigences d'indépendance et d'impartialité issues
de la Convention européenne des droits de l'homme
Dans
le même temps, nous avons assisté à l'émergence lente mais
continue des principes dérivés de la Convention européenne des
droits de l'homme, spécialement ceux d'indépendance et
d'impartialité.
Les
juges français n'hésitent plus à faire produire à la CEDH
d'application directe son plein effet, ce qui emporte Y éviction
de la règle de droit interne incompatible (voir S. Guinchard,
Gaz. Pal. 1999, doct., 1247).
- Des effets
audacieux en droit social
L'arrêt
Spillers du 12 janvier 1999 (D. 1999, p. 645, note J.-P.
Mourguenaud et J. Mouly) en constitue une parfaite illustration
où la chambre sociale en vient à mesurer la validité d'une
clause du contrat de travail imposant une obligation de résidence
à la lumière du droit au respect du domicile inscrit dans
l'article 8.
Mais
c'est surtout l'article 6-1 qui se trouve en pleine lumière,
garantissant le droit à un procès équitable, conduit dans un
délai raisonnable devant un tribunal indépendant et impartial
(voir L'impartialité du juge du travail, Jurisprudence sociale
Lamy, 18 mai 1999, n° 36-1).
L'exigence
d'un procès équitable implique le respect de Y égalité des
armes, elle répugne en conséquence aux lois de validation.
L'article 29 de la loi Aubry du 19 janvier 2000 (M. Pierchon et
G.-P. Quetant, Durée du travail et Contrat de travail, Cedat
2000, p. 37) en a fait récemment les frais (voir Cass. soc., 24
avr. 2001, n° 00-44.148, Dr. soc. 2001, n° 6, concl. S. Kehrig,
p. 583) dans le sillage de l'arrêt CEDH Zielinsky du 28 octobre
1999 (A. Dorant, Semaine sociale Lamy, n° 981)
Depuis
longtemps affirmé par la Cour de Strasbourg, le droit à un
tribunal indépendant et impartial proclamé par l'article 6-1
" garantie substantielle " (arrêt CEDH Piersack, 1er
oct. 1982, n° 53) fraye son chemin dans les moeurs en venant en
renfort des dispositions nationales.
L'indépendance
prohibe le mandat impératif du conseiller prud'homme et par
ricochet la pratique de lettre de démission en blanc (Rép. min.,
JO AN Q. 27 sept. 1999, p. 5635).
L'impartialité
est tant objective que subjective : " L'impartialité doit
s'apprécier selon une démarche subjective, essayant de
déterminer la conviction personnelle de tel juge en telle
occasion, et aussi selon une démarche objective amenant à
s'assurer qu'il offrait des garanties suffisantes pour exclure à
cet égard tout doute légitime " (CEDH, 26 févr. 1992,
arrêt n° 255).
A
la différence des juridictions du contentieux technique de la
Sécurité sociale TCI (Cass. soc., 17 déc. 1998, n° 97-15.389,
Bull. civ. V, n° 578, Jurisprudence sociale Lamy, n° 59-1) et
CNIT (Cass. ass. plén., 22 déc. 2000, n° 99-11.615, Semaine
sociale Lamy, n° 1016, M. Pierchon) qui se sont trouvés tour à
tour sur la sellette, la composition " laïque " de la
juridiction prud'homale ne heurte pas en soi les prescriptions de
la CEDH ; elle n'encourt pas le reproche de dépendance.
Le
paritarisme concourt à son respect sans offrir pour autant une
garantie absolue. Le conseiller prud'homme individuellement
n'échappe pas à ce devoir même si " l'impartialité
personnelle d'un magistrat se présume jusqu'à la preuve du
contraire (CEDH, 24 mai 1989, arrêt n° 154), y compris en bureau
de conciliation ". Le principe d'impartialité s'impose
néanmoins aux magistrats conciliateurs même s'il est difficile
à mettre en œuvre. L' exigence d'impartialité édictée par
l'article 6-1 de la CEDH, souligne-t-elle, doit s'apprécier en
fonction non pas nécessairement de l'attitude effective de la
personne en cause, mais de la perception que le justiciable peut
légitimement avoir d'un risque de partialité " (CA
Poitiers, ch. soc., 5 sept. 2000, Bull. inf. cass. n° 340, p.
51).
A
l'évidence, cette jurisprudence traduit la prise en compte de
" la sensibilité accrue du public aux garanties d'une bonne
justice ".
Au
fil de ces dernières années, la Cour de cassation s'est
ingéniée à tracer la ligne du permis et du défendu :
-
Tu ne connaîtras pas d'une même affaire deux fois ;
-
Tu ne jugeras pas non plus après avoir conseillé.
Et aujourd'hui, la Cour de cassation adresse à travers l'arrêt
du 3 juillet 2001 (Cass. soc., 3 juill. 2001, n° 99-42.735) un
" ordre " supplémentaire plus radical encore " Tu
ne défendras pas devant ton propre conseil ".
Reprenons
ces préceptes sous la forme détaillée de dix commandements à
l'usage du conseiller prud'homme
- Tu ne jugeras
pas l'affaire deux fois
Selon
l'assemblée plénière de la Cour de cassation manifestant une
hardiesse remarquée, un même juge d'une manière générale ne
peut pas siéger dans une seconde affaire intéressant les mêmes
parties. Par exemple, celui qui aurait alloué des provisions en
référé perdrait son impartialité à siéger ensuite lorsque le
bureau de jugement connaît l'affaire au fond (Cass. ass. plén.,
6 nov. 1998, n° 95-11.006, Bull. inf. cass, 1 er févr. 1999,
note Mme Tatu, conseiller rapporteur).
La
Chambre sociale fi est pas allée aussi loin en contentieux de la
Sécurité sociale où il s'agissait, il est vrai de procès
distincts (Cass. soc., 15 juin 1999, na 93-43.309, Cah. prud'h.
2000, p. 81, na 6).
Toujours
est-il que brandissant l'arme de la récusation, l'un des
plaideurs peut mettre en doute l'objectivité de l'un de ses juges
et demander en conséquence qu'il soit écarté (voir Traité de
la juridiction prud'homale, n° 581), quand le magistrat est
déjà intervenu en délivrant son opinion.
Le
comportement du juge conciliateur comme celui du conseiller
rapporteur prêtent parfois le flanc à la critique :
-
" Lorsque dans la forme l'intervention d'un conseiller
était de nature à faire douter la société employeur de son
impartialité dès lors qu'elle a consisté à préconiser une
mesure qui présupposait la nullité des licenciements prononcés,
il y a lieu de faire droit à la demande de récusation du
conseiller prud'homme " (CA Poitiers, ch. soc., 5 sept.
2000, Bull inf. cass. 2000, p. 51, n° 340) ;
-
" Le renvoi pour une cause de récusation de deux
conseillers rapporteurs est valable si ces derniers ont formulé
un avis quant au fond du litige avant qu'ils aient pu entendre les
plaidoiries respectives des parties justifiant que l'affaire soit
distribuée à une autre formation de la section " a
jugé le président du Conseil de prud'hommes de
Villeneuve-Saint-Georges (Cons. prud'h. Villeneuve-Saint-Georges,
14 sept. 2000, Cah. prud'h. 2000, p. 133, n° 9).
Encore
faut-il identifier les personnes par avance afin de soulever en
pleine connaissance de cause et de temps l'incident. Non seulement
les cas de récusation sont limitativement énumérés, mais la
procédure est lourde à souhait. Rien d'irrémédiable cependant
car, d'une part, les causes légales de récusation de l'article
L. 518-1 du Code du travail, fi épuisent pas l'exigence
d'impartialité requise de toute juridiction (Cass. soc., 18 nov.
1998, n° 9643.840, Bull. civ. V, n° 506, Jurisprudence sociale
Lamy, 2 mars 1999, n° 31-27). Au-delà, l'invocation de l'article
6-1 reste possible.
Quand
la composition du tribunal reste inconnue des parties, elle
entraîne alors l'annulation de la sentence infectée (voir J.
Normand, RTD civ. 2001, p. 193).
La
référence à l'article 6-1 présente un caractère subsidiaire
(voir R. Perrot, RTD civ. 2001, p. 204) toutes les fois où les
instruments nationaux sont impuissants à offrir les mêmes
garanties.
- Tu ne jugeras
pas si tu as un lien d'intérêt avec une partie
Ce
comportement expose à une demande de récusation liée à
l'article L. 518-1 du Code du travail. Plus largement, viole son
devoir d'impartialité et donc doit s'abstenir de siéger le juge
en lien étroit avec une partie :
-
pour avoir établi à son intention une attestation (CA Nancy, ch.
soc., 21 févr. 1995, RJS 11/95, n° 1218) ;
-
en tant que propriétaire du fonds de commerce (CA Rouen, 29 oct.
1992, Cah. prud'h. 1995, p. 148) ;
-
ou celui dont la nièce vit avec le demandeur (Cass. soc., 18 nov.
1998, n° 96-43.840, Bull. civ. V, n° 506, Jurisprudence sociale
Lamy, 2 mars 1999, n° 31-27, précité).
- Tu ne jugeras
pas après avoir conseillé
Si
un magistrat a été amené à conseiller en amont du litige une
partie (CA Versailles, 11e ch., 17 juin 1991, Gaz. Pal. 1992, Cah.
prud'h. 1992, n° 2), la sagesse commande qu'il s'abstienne en
conscience de siéger comme l'admet l'article 339 du NCPC, sauf à
violer son devoir de neutralité. D'ailleurs, donner un avis
écrit dans l'affaire figure sur la liste des causes légitimes de
récusation.
- Tu ne jugeras
pas après avoir assisté
A
l'évidence, " la personne qui a assisté une partie à un
procès prud'homal ne peut être membre de la juridiction appelée
à se prononcer sur le différend opposant les mêmes parties
" .
A
partir du moment où, en l'espèce, la composition comprenait le
conseiller prud'homme ayant assisté préalablement le demandeur,
la cause n'avait pas été entendue par un tribunal indépendant
et impartial (Cass. soc., 8 janv. 1997, n° 94-42.241, Bull. civ.
V, n° Il, p. 7; Bull. inf. cass 1er avr. 1997, note Mme Tatu,
conseiller rapporteur, Dr. soc. 1997, p. 764, note G.-P. Q.)
En
l'occurrence, la Cour de cassation n'avait pas hésité à relever
d'office le moyen pour annuler le jugement Iitigieux !
Chaque
partie doit se voir offrir une possibilité raisonnable de
présenter sa cause dans les conditions qui ne la placent pas dans
une situation de désavantage par rapport à son adversaire.
Avoir
d'une certaine façon pris fait et cause pour un des protagonistes
du procès :
-
en intervenant dans le montage de son dossier (CA Paris, 31
oct.1991, D.1992, p. 431 note G.-P.Q.) ;
-
en rédigeant les conclusions ;
-
en sollicitant des renvois ;
- a
fortiori en se présentant pour son compte en séance de
conciliation (CA Nîmes, 18 mai 1999, Cah. prud'h. 2000 p. 72) ou
en audience de référé donne à penser à l'autre que
l'intéressé sera de parti pris en délibéré.
En
effet, une telle attitude est bien " de nature à faire
naître dans l'esprit du justiciable des doutes légitimes sur son
impartialité. Sa violation entache le jugement de nullité
".
- Tu ne défendras
pas devant ta section
Au
titre de l'article L. 516-3 du Code du travail, le conseiller
prud'homme qui représente ou assiste une partie n'est pas
habilité à le faire devant sa propre section ou bien encore sa
chambre s'agissant de conseils comme Paris divisés en chambres.
La
transgression de la règle par un conseiller s'analyserait en un
manquement grave d'ordre disciplinaire emportant le suivi de la
procédure ad hoc (C. trav., art. L. 514-12) au-delà de ses
conséquences d'ordre processuel. Elle constitue une cause
d'annulation de la sentence (Cass. soc., 17 avr. 1986, n°
84-41.621, Bull. civ. V, n° 157).
L'autonomie
des sections affirmée à l'article L. 512-2 du Code du travail, a
gouverné cette solution de compromis en 1982. Cette prohibition
relative frappe, semble-t-il, uniquement les conseillers en
activité pour mettre à l'abri les suivants de liste élus mais
pas encore appelés à prêter serment.
Relèverait
de l'artifice frauduleux, le comportement consistant à faire
inscrire le dossier dans une autre section que celle correspondant
à l'activité de l'entreprise afin de tenter de récupérer le
droit de représenter ou d'assister.
- Si tu es élu au
référé, tu ne défendras pas devant la formation de
référé
Les
conseillers désignés paritairement chaque année en assemblée
générale pour composer à tour de rôle la formation référé
sont persona non grata devant leur formation (C. trav., art. L.
516-3).
- En tant que
président ou vice-président du conseil, tu ne défendras pas
devant ton conseil
Exception
notable, la prohibition revêt une portée générale pour les
présidents et vice-présidents de la juridiction élus pour
l'année en cours, toujours selon l'article L. 516-3 du Code du
travail.
Un
manquement à cette interdiction apparaît dès lors qu'un
conseiller a dispensé des conseils, prodigué une assistance
active, s'est déplacé à l'audience, a soutenu des demandes de
renvois, quand bien même il a cédé finalement sa place à un
avocat pour plaider. Faisant naître dans l'esprit de l'autre
justiciable des doutes légitimes sur l'impartialité de la
formation sans atteindre l'honorabilité de l'intéressé, il
suffit à entacher le jugement de nullité (CA Montpellier, ch.
soc., 29 nov. 2000, n o 2001--07-17, SA Soderhis Super U c/Bonnery,
Bull. Montpellier 2001, p. 3, n°4, obs. R. Ogbi).
- Tu ne défendras
pas non plus devant une autre section de ton conseil
A
l'exception des présidents, le Code du travail ne le condamne
pas, en revanche, la convention européenne de valeur supérieure
s'y oppose.
Au-delà
de sa propre section, le conseiller recouvre légalement sa pleine
liberté, mais ses collègues jouissent-ils, eux, d'une complète
liberté d'esprit quand ils le voient arriver pour plaider ?
Ce
qui a pu être toléré par le passé n' est plus supporté
aujourd'hui (voir
L'impartialité
du juge du travail, la CEDH et le CPH, Guy-Patrice Quetant,
Jurisprudence sociale Lamy, n° 36-1).
Point
d'aboutissement provisoire de cette évolution, l'arrêt rendu le
3 juillet 2001 (n° 99-42.735, précité), pourrait bien faire
grincer quelques dents, où pour casser un jugement prud'homal
dans une affaire défendue par un membre de la juridiction mais
élu d'une autre section, la chambre sociale de la Cour de
cassation énonce que " l'exigence (tirée de l'article 6-1)
implique qu'un conseiller prud'homme n'exerce pas de mission
d'assistance ou de mandat de représentation devant le conseil de
prud'hommes dont il est membre ". Reproduit sur le site
Internet de la Cour, cette décision revêt sans aucun doute une
portée générale. Si elle s'applique à un juge prud'homal
entrant en scène comme défenseur occasionnel à titre de
conjoint de la défenderesse elle vise également les habitués du
prétoire. Décision spectaculaire qui affirme la suprématie de
la norme européenne sur le particularisme prud'homal, mais
salutaire: la femme de César ne mérite pas le soupçon, César
non plus bien sûr.
A
la différence du conseiller du salarié ou du juge consulaire qui
ne peuvent cumuler les deux fonctions, aucune incompatibilité
absolue entre la condition de conseiller prud'homme et celle de
" défenseur " n'est posée ni envisagée dans la
perspective des élections générales de 2002 (un avocat n'est
donc pas interdit de prud'homie mais sans doute l'éligibilité
d'avocat salarié serait contestable car ce dernier dépend du
bâtonnier et non de la juridiction prud'homale en cas de
différend avec l'employeur).
Remarquons
donc que le législateur qui s'intéresse de près à la
juridiction prud'homale et cherche justement à en maintenir
l'indépendance à l'égard notamment des partis politiques s'est
bien gardé d'intervenir sur ce sujet éminemment sensible. Or,
indépendance et impartialité ne forment-elles pas un couple
indissociable ?
Ayons
à l'esprit une donnée qui peut surprendre, la qualité de
conseiller prud'homme, jamais " affichée ", du
défenseur n'est pas toujours connue de son contradicteur, surtout
s'il n'est pas un professionnel ou un récidiviste de la
juridiction !
Par
son arrêt en date du 3 juillet 2001 (n° 99-42.735, précité,
Semaine sociale Lamy, n° 1037, p. 15), la Cour de cassation
balaie cette possibilité en définissant une interdiction
absolue. Elle s'appuie précisément sur l'article 6 tel
qu'interprété par la Cour de Strasbourg. L'exigence
d'impartialité implique qu'un conseiller prud'homme n' exerce pas
de mission d'assistance ou de représentation devant le conseil de
prud'hommes dont il est membre .sous peine d'annulation du
jugement !
La
chambre sociale de la Cour de cassation pose le principe sévère
mais juste, non en ce qui concerne un conseiller assurant une
défense à titre syndical mais à propos d'un conseiller venu
défendre son épouse à titre familial.
La
conséquence est la même et immédiate, pas de différence entre
les occasionnels et les semi-professionnels, tous doivent être
logés à la même enseigne. Elle oblige à changer rapidement
certaines habitudes de défense qui ne " passeront "
plus. Est-ce à dire qu'un conseiller prud'homme ne pourrait pas
non plus se défendre en personne ou pour représenter sa propre
entreprise s'il est cité devant son conseil de prud'hommes, ne
serait-ce que pour solliciter le renvoi au titre de l'article 47
du NCPC ? il ne semble pas qu'on puisse aller aussi loin... sauf
à porter atteinte aux droits de la défense.
- Tu pourras
défendre devant un autre conseil de prud'hommes
La
question ne se pose pas avec la même acuité: la neutralité du
juge n'est somme toute pas en danger.
Toujours
est-il que la Cour de cassation circonscrit l'interdiction au
domaine du conseil où l'intéressé a été élu, ce qui autorise
à aller défendre ailleurs, devant la juridiction limitrophe par
exemple.
Du
reste, M. Pierchon afin d'obvier aux inconvénients signalés nés
du cumul des fonctions juridictionnelles et de défense avait en
son temps proposé judicieusement (Dr. travail juill. 1993, chron.
13) d'étendre le bénéfice du renvoi à un conseil limitrophe,
non seulement dans le cas où un magistrat est partie à un litige
devant sa propre juridiction, mais encore dans l'hypothèse où il
est le conseiller d'une partie au procès. La proposition
mériterait d'être réexaminée au lendemain de la décision de
la Cour de cassation dans la perspective d'une éventuelle
réforme de la réglementation.
- Tu pourrais
défendre devant la Cour d'appel sous réserve que...
Si
la Cour de Cassation cantonne la prohibition au seul conseil
d'appartenance, pour autant un conseiller prud'homme est-il admis
à venir défendre en appel une affaire qu'il a lui-même jugée
en première instance ? Si le cas était purement d'école, il ne
mériterait pas d'être rapporté. Malheureusement, la situation
s'est déjà produite plusieurs fois... (voir CA Douai ch. soc.,
31 mars 2000, n° 94/04953 où le conseiller prud'homme défenseur
arguait au surplus de la violation du délibéré pour n'y avoir
pas participé lui même !).
A
l'évidence, ce genre de comportement " inouï " heurte
le serment du conseiller, elle laisse rétrospectivement un goût
amer à l'autre partie !
Sinon,
un conseiller prud'homme reste en l'état actuel du droit
habilité à assurer le suivi d'un dossier devant la Cour d'appel
ou une autre juridiction s'il est mandaté régulièrement.
- ...mieux vaut
pour un prud'homme ne pas défendre
Juger
ou défendre, il faut choisir. Ce slogan publicitaire détourné
en prescription disciplinaire méritait particulièrement d'être
rappelé à rapproche du renouvellement des prud'hommes. Le
mercredi Il décembre 2002, en effet, ont vocation à être élus
pas moins de 14 626 conseillers prud'hommes (sauf légère
révision éventuelle à la baisse des effectifs décidée au
terme de la consultation nationale lancée par les circulaires DRT
n° 01/02.03 du 27 juin 2001 ). Elus en pleine connaissance de
cause de leurs droits et devoirs ! (G.-P. Quetant, L'impartialité
du juge du travail : la Convention européenne des droits de
l'homme et le conseil de prud'hommes, Jurisprudence sociale Lamy,
18 mai 1999, n° 36-1). Pour couper court à toute contestation
rejaillissant inévitablement sur l'institution prud'homale
elle-même, le bon sens incline à une complète abstinence.
- Bref, pour
conclure : tu ne devrais jamais pouvoir défendre
Ne
conviendrait-il pas en dépassant la solution inaugurée par
l'arrêt du 3 juillet 2001 de remodeler l'article L. 516-3 du Code
du travail, et d'opter pour une incompatibilité totale entre les
fonctions de juge et celle de défenseur ?
Si
elle heurte de plein fouet la pratique des
syndicalistes-prud'hommes et donc aura du mal à être acceptée,
elle frapperait par ricochet aussi les avocats élus comme
conseillers prud'hommes au sein du collège employeur de la
section des activités diverses.
Il
faudra s'y résoudre, quitte à prévoir un temps d'adaptation car
les doubles casquettes, les cumuls de fonctions deviennent
difficiles à porter sinon à justifier .
Guy-Patrice
Quetant
Juriste en droit social |
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